Les pièges Le temps passe un peu, on découvre des détails sur l’attaque et on comprend, toujours aussi effaré, que le #Hamas a eu les mêmes attitudes que #Daesh, réellement. Qu’il ne s’agit pas seulement de la prise en otages de civils mais qu’il y a des cas de décapitations, et de décapitations d’enfants, et des cas – des dizaines de cas connus, visiblement, – de viols. Et que, oui, ce massacre dans la rave, c’était exactement comme le Bataclan. On apprend ça, et je vois, par exemple, sur les pages des « Indigènes de la républiques », des posts de solidarité avec ça, des vœux pour la victoire du peuple palestinien dans sa lutte de libération, – la lutte de libération était, d’après eux, illustrée par ça. Et bien sûr que le Hamas est une organisation terroriste. Ne pas le dire, ça, c'est quoi ? Que François Ruffin soit attaqué parce qu’il le dit montre tellement l’état de confusion auquel est arrivée une partie de la gauche que c’en est à tirer l’échelle pour la suite. * Une chose est sûre : une action comme celle du 7 octobre n’a pas pu être planifiée juste pour un jour. Les gens qui l’ont planifiée devaient comprendre qu’il y aurait des conséquences et donc, ces conséquences aussi, ils les ont prises en compte. On pense que c’est justement la crainte des conséquences, c’est-à-dire de la réaction de l’armée israélienne, qui explique les prises d’otages massives. Sans doute que oui. Avec plus d’une centaine d’otages répartis sur tout le territoire de Gaza comme bouclier humain, on peut imaginer qu’Israel hésitera à attaquer. Disons, on peut imaginer ça logiquement, et que, donc, ça fera comme une espèce de rapport de force, monstrueux, – un objet de négociations (auxquelles, d’après ce que j’ai appris hier soir, appelle d’ailleurs le Hamas). J’ai l’impression que le but des assassins est plus pervers que ça. Parce que nous avons affaire en #Israel au gouvernement le plus à l’extrême-droite de l’histoire du pays. Un gouvernement dominé par des racistes et des fondamentalistes. Et que le Hamas, qui n’est pas sans le savoir, se trouve avec lui comme en terrain connu. Il suffit juste pour le Hamas de lui faire suivre sa pente naturelle pour arriver à sa deuxième victoire, non plus militaire cette fois (il ne peut pas y avoir victoire militaire du Hamas), mais autrement plus importante, – symbolique. * Le fait est qu'il y a les réactions de l’État d’Israël, qui explique, par la bouche, par exemple, de son ministre de la Défense, – lequel répète ça plusieurs fois, dans des circonstances différentes – que ce ne sont pas des hommes, fussent-ils des monstres, qui ont fait ça, mais des « animaux ». Je ne connais pas le mot hébreu qu’il emploie et qu’on traduit ainsi : est-ce qu’il veut dire des « bêtes » (comme on dit des bêtes fauves) ou, réellement, des animaux ? La différence, pour moi, serait fondamentale. Parce qu’autant les « bêtes fauves » pourrait passer pour une expression, et, de fait, les assassins du Hamas se sont comportés comme des bêtes fauves (non, évidemment, les bêtes fauves ne font pas ça), autant les traiter d’animaux est d’un autre registre, qui n’est même pas du racisme. Qui est, oui, autre chose : si nous combattons des « animaux », alors, tout est permis, puisque, par définition, ils ne sont pas des êtres humains. La question est de savoir qui sont ces « animaux ». S’agit-il de tous qui ont participé aux attaques, ou de tous les membres du Hamas, ou bien de toute la population de la bande de Gaza (2.300.000 personnes) ? Il semble que la réponse soit claire pour ce gouvernement d’enragés : c’est bien toute la population de cette bande de terre qui vit sous blocus militaire depuis qu’elle existe en tant qu’entité soi-disant indépendante, dans une promiscuité inouïe et une misère endémique, sans aucune perspective de rien du tout que la haine. C’est ce qui explique non pas les bombardements, aveugles ou pas, qui ciblent, nous dit-on, des cellules du Hamas, et tuent des femmes et des enfants (les Gazaouis sont, hélas, habitués à cette horreur, et personne dans le monde n’en dit finalement trop rien), mais le blocus total, – qui illustre ce que c’est, réellement, que Gaza. Un pays indépendant qui dépend, totalement, d’un autre pays (en l’occurrence son ennemi) pour ses besoins vitaux : l’eau, l’électricité, la nourriture. C’est-à-dire que l’indépendance de Gaza est, par ce fait même, et dehors de toute opération de guerre, une fiction sanglante, une moquerie cynique de toute la communauté internationale : non, il n’y a, et il ne peut y avoir, aucune indépendance dans ces conditions. Et c’est la première chose que le blocus total décrété par Israël vient de montrer : cette décision, terrifiante, de faire payer, par la faim et la soif, et l’absence de toute électricité une population de 2.300.000 pour les crimes, oui, bestiaux, du groupe de fascistes qui les dirige, c’est une deuxième victoire du Hamas. Une victoire offerte par les frères d’armes du Hamas que sont les hommes qui dirigent Israel en ce moment. * Il risque d’y avoir une troisième victoire. Netanyahou répète à l’envi que l’État d’Israel fera comprendre aux terroristes que c’était une mauvaise idée de s’attaquer à lui, et qu’ils s’en souviendront pendant des « dizaines d’années ». Ça, ces dizaines d’années, ça veut dire quoi ? Tout laisse à croire que les officiels israéliens vont poursuivre les bombardements, la destruction toujours croissante des immeubles, et, pour parachever ces destructions, à un moment ou à un autre, qu’ils vont faire entrer l’armée à l’intérieur de la bande de Gaza, c’est-à-dire dans la ville. Et, donc, il y aura des combats de rues, ou plutôt pas de rues, justement, mais de décombres, en présence même de la population civile, de ces millions de gens, — parce qu’où voulez-vous qu’ils aillent, les gens, puisqu’ils n’ont nulle part où s’enfuir, malgré les demandes, cyniques encore une fois, des officiels israeliens ? Ils vont se réfugier où ? Sous le ciel bleu ? Il n’y a même pas la place, dans la bande de Gaza, de faire des villes de tentes pour deux millions de personnes. Il y aura donc, – c’est déjà fait – une première inversion symbolique, et ce n’est pas un hasard si l’ONU n’a pas été capable de publier même un communiqué de condamnation de ces attaques, mais que le secrétaire de l’ONU a condamné (bien justement) le blocus total qui vient de se mettre en place. La haine, dans le monde entier, non pas seulement de la politique d’Israël, mais d’Israël en tant que tel, est si puissante que les États du monde n’arrivent même pas à s’entendre pour dire que des « combattants » qui décapitent des enfants ne sont pas des « combattants », mais des assassins qu’il faut poursuivre et juger. Si, malgré le gouvernement d’union nationale qu’est en train de former Netanyahou, l’armée entre dans Gaza et que les combats commencent dans la ville, dans les immeubles, dans les ruines, alors, l’inversion symbolique sera totale : ce seront des combats comme ceux de Stalingrad (les Israéliens ne jouant pas le rôle de l’Armée rouge, on comprend bien) ou, pire encore, ce sera l’image des combattants du Ghetto de Varsovie qui nous sautera aux yeux. Les assassins du Hamas auront gagné totalement : ils auront transformé les descendants du Génocide en perpétrateurs d’un autre génocide, et souillé l’image des combattants du Ghetto (la page, sans doute, la plus héroïque de toute l’histoire multi-millénaire du peuple juif) en reprenant, symboliquement, leur rôle : une poignée d’hommes et de femmes qui se dressent, sachant qu’ils n’ont aucun espoir de survivre, contre les « bêtes » nazies. * Le piège est là. Et, bien sûr que le Hamas appelle le massacre de tous ses vœux, — le massacre des gens qui vivent là, enfermés, pris au piège, parce que, une fois encore, le Hamas est, d’abord, un mouvement fasciste. Le piège est en train de se refermer sur tout le monde : sur tous les Gazaouis, sur ces millions d’êtres humains, ces centaines de milliers d’enfants, – comme sur les malheureux otages israeliens, comme sur l’État d’Israël en tant que tel, qui aura perdu sa dernière légitimité de pays refuge des victimes, et du souvenir, du Génocide. C’est alors que le Hamas aura gagné, même en étant détruit. Parce que le Hamas n’est pas seulement un mouvement fasciste, mais terroriste et, dans son essence, nihiliste, puisqu’il est islamiste. Le fascination des fondamentalistes de Daesh, le but suprême (proclamé, du moins) de Daesh, ce n’était pas la vie, c’était la mort en martyr. C’était la destruction de tout ce qui pouvait être vivant dans la vie terrestre – y compris soi-même. J’ai peur que Netanyahou et ses monstres ne soutiennent le Hamas pour y arriver. * Un dernier mot, — sur le sujet d’une chronique ultérieure, et très très importante : il y a des gens en Israel qui, ça, le comprennent, et qui se battent contre ça, tout en se battant, aujourd’hui, contre le Hamas. Il y a beaucoup de gens qui comprennent ce qui est en train de se jouer là. Et qui le disent. – Je suis avec eux.