Sébastien – Chapitre 5
Peter est assis dans son fauteuil roulant près de Séb. Après un bref silence il dit :
– Tu sais, je me rappelle une histoire avec mon petit-fils, Damien. Il a eu son premier vélo cet été. Tout fier, il voulait absolument l’essayer de suite, dans la rue devant la maison. Une pente douce, mais... eh, une pente quand même.
Séb, immobile, fixe Peter, intrigué.
– Alors voilà mon Damien qui se lance, hilare, à fond dans la descente. Mais... les freins. Trop durs pour ses petites mains. Il voit le panneau tout en bas, et là... il comprend comment ça va finir. Moi, je le regarde depuis la terrasse, mais sa mère, elle, comprend tout de suite et se met à courir derrière lui. Sauf qu’en courant, elle perd une de ses sandales – tu vois le genre, des petites sandales d’été.
Peter rit doucement.
– Elle arrive en deuxième position, forcément. Damien a fini sa course juste à côté du panneau, patatras sur le trottoir. Pas de gros bobo, juste deux éraflures et une bonne dose de honte.
Pete s'interrompt, sourit un instant.
– Ça me fait rire maintenant, mais sur le moment, c’était une scène digne d’un dessin animé.
En revenant vers la chambre 418, Naïma ralentit le pas. La porte est entrouverte, et une voix résonne doucement à l’intérieur. Elle fronce les sourcils : Sébastien est aphasique, et les visites sont terminées. Qui peut bien être là ? Intriguée, elle pousse doucement la porte. Elle trouve Mr Lawson en sa compagnie.
Elle avance doucement pour ne pas perturber la quiétude de la chambre.
Ses cheveux courts sont un peu ébouriffés et sa blouse légèrement froissée après son tour de nuit.
Elle salue Peter avec un sourire :
- Je vois que vous tenez compagnie à Sébastien. C'est cool mais il est temps que je m'occupe un peu de lui maintenant.
Peter manœuvre son fauteuil et fait un signe à Séb avant de s’éclipser.
- Bonne nuit, Séb. Je repasserai demain, si tu le veux bien.
Naïma se tient debout près de Séb, à une distance respectueuse.
- Si tu veux bien, on peut se mettre d'accord sur un moyen de communiquer. Par exemple, pour me dire oui tu clignes des yeux une fois simplement. Si c'est non, tu fermes les yeux une seconde on va dire. Tu es d'accord ?
Séb cligne des yeux. Apparemment c'est bon.
Pour vérifier que nous nous sommes bien compris :
- Est-qu'il est midi ?
Séb ferme les yeux une seconde pour dire non.
- On est bien d'accord, plaisante Naïma. Veux-tu que je t'arrange un peu mieux ?
Séb cligne des yeux. Naïma ne le voit pas, mais il sourit dans son cœur. Finalement cette jeune femme n'est pas une Tatie Danielle. Au contraire !
Pendant qu’elle le positionne, ses gestes sont précis, doux et rassurants.
Séb ressent pour la première fois depuis longtemps autre chose que la mécanique des soins quotidiens. Il perçoit la douceur d’un toucher qui ne se contente pas d’être efficace, mais qui porte en lui une chaleur inexplicable. Une chaleur qui, sans bruit, vient fissurer l’isolement dans lequel il était enfermé.
Séb découvre son tatouage tandis qu'elle le mobilise. Il est intrigué par ces motifs. Naïma s’en aperçoit et commente avec un sourire :
-Tu te demandes ce que ça raconte ?
Séb cligne des yeux. Bien sûr qu'il veut savoir.
- D'accord je te le dirai, mais pas ce soir. J'ai été un peu lente le temps de m'adapter au service, mais la prochaine fois je serais mieux organisée et je te parlerai de ce tatouage.
Je te souhaite un bon repos et de beaux rêves. Je passe régulièrement dans la nuit dans les chambres pour jeter un coup d'œil voir si tout va bien.
Une fois Naïma partie, Séb est submergé par une vague d’émotions : un mélange de sérénité, de curiosité et de quelque chose d’indéfinissable qu’il n’avait pas ressenti depuis longtemps.
Alors qu’il s’endort, les sensations de ce contact persistent, comme une empreinte invisible sur sa peau. Les motifs du tatouage demeurent derrière ses paupières, emportés dans un éclat lumineux qui doucement le transporte ailleurs dans un autre temps.