3 pistes pour financer le déficit public:
en fait, 3+1.
Quand un État n'a pas assez de trésorerie pour payer ses dépenses, il ne peut plus payer ses engagements: plusieurs possibilités s'offrent à lui, mais aucune “solution” n'est durable sur le long terme.
Il peut différer les paiements à ses fournisseurs et/ou à ses fonctionnaires: c'est ce qu'on appelle les “arriérés” mais il s'agit tout simplement d'une dette imposée par l'État à ses fournisseurs et ses fonctionnaires, au risque à la fois de fragiliser ses fournisseurs et donc son économie et d'aggraver une crise sociale en amputant une partie de sa population de ses revenus, et en encourageant la corruption. Fantaisiste cette option? non malheureusement, c'est parfois la seule solution dont disposent un grand nombre de pays pauvres. (ici l'exemple du Gabon)
Les autorités politiques de certains États peuvent aussi faire pression sur leur Banque centrale pour qu'elle leur débloque les ressources dont l'État aura besoin pour financer ses dépenses excédentaires: rapide et efficace. Mais pas souhaitable à plus long terme: car en créant de la monnaie nationale pour une même quantité de richesse, les Banques centrales diminuent la valeur de chaque unité de monnaie par rapport aux devises internationales. Avec leur monnaie “dépréciée”, elles devront dépenser plus pour acheter les devises nécessaires au paiement de leurs importations. Cette option entraîne donc les États à se priver progressivement de produits indispensables à leurs populations, comme le pétrole ou des médicaments par exemple.
En Europe les Banques centrales ont été mises à l'abri de ces pressions politiques après avoir obtenu leur indépendance du pouvoir politique, renforcée avec la création de la Banque centrale européenne. Mais cet acquis est fragile, quand on voit les pressions qu'exerce le pouvoir politique aux États-Unis pour contrôler la FED. Remarque: les banques privées aussi peuvent également créer de la monnaie en prêtant de l'argent aux particuliers ou aux entreprises. En cela elles aussi créent de la monnaie, mais contrairement au cas précédent, ces opérations (si elles sont bien encadrées) ont beaucoup moins d'impact sur l'économie. Nous tenterons d'expliquer pourquoi dans un épisode séparé.
- Quand un État est suffisamment ouvert et stable économiquement et politiquement, une troisième solution consiste à émettre des titres de dette (des obligations du Trésor) et à les vendre sur une ou plusieurs places financières. Ces titres sont alors soumis, comme tous les autres titres financiers à la loi du marché: si la demande excède l'offre, la valeur des obligations émises par l'Etat va monter, si l'offre excède la demande, la valeur de ces titres aura tendance à diminuer. Il faudra donc les rendre plus attractifs avec des taux d'intérêt augmentés.
On ne peut emprunter indéfiniment à un taux d'intérêt de plus en plus élevé: cela suppose pour un État d'augmenter les dépenses consacrées au service de sa dette, au détriment des autres missions prévues sur le Budget de l'État et surtout des investissements nécessaires pour préparer l'avenir. Un État ne peut donc pas indéfiniment s'endetter car il prend alors le risque d'être en défaut de paiement. Nous en parlerons un peu plus tard, dans cet article. Or le montant prévu en février dernier dans le programme 117 (Charge de la dette et trésorerie de l'État) de la mission des Engagements financiers de l'État constituait déjà le troisième poste de dépenses de l'État.
Et que se passe-t-il si on ne rembourse pas la dette?
Des voix s'élèvent ça et là pour dire que la dette serait l'affaire des seuls banques et des financiers, qu'à ce titre elle serait illégitime, que de toutes façons elle n'est jamais remboursée et qu'on peut bien ainsi la rayer d'un trait de plume.
Ce discours est établi sur plusieurs ambiguïtés.
Oui, contrairement à un particulier, un État peut continuer à s'endetter même s'il l'est déjà, tout simplement parce que ses dépenses créent de la richesse : c'est ce qu'on appelle le multiplicateur budgétaire. Alléger les taxes ou apporter un coup de pouce au pouvoir d'achat des particuliers ou des entreprises, leur permet en principe d'investir ou de consommer plus et de générer ainsi plus d'activité, ce qui fera ensuite l'objet de nouvelles recettes prélevées par l'État (via les taxes sur la consommation, et les impôts ) et moins de dépenses sociales par exemple.
Par ailleurs, il est exact que certaines dettes contractées dans le passé par les États de pays pauvres ont été effacées par leurs créanciers. Mais il est important de préciser les conditions d'une telle opération : d'abord, il s'agissait de créanciers publics, des structures d'aide au développement réunies au sein du Club de Paris. Ensuite ces remises de dette ont été effectuées après qu'un accord a été passé avec les pays bénéficiaires, le plus souvent autour d'une politique de développement destinée à lutter contre la pauvreté, menée par un Etat qui engagé en parallèle à corriger ses déséquilibres économiques. Ce faisant, la remise de dette a effectivement libéré des marges de manoeuvre pour les États endettés et leur a permis de mettre en place une politique clairement définie et contrôlée.
Alors pourquoi ne pas généraliser cette pratique?
Pas si simple.
D'abord parce que la dette contractée sur les marchés financiers est d'origine privée et non publique. Or les organismes financiers qui réalisent ces transactions n'achètent pas de la dette avec leurs ressources propres, mais avec l'épargne qui leur a été confiée par des particuliers, des entreprises et des institutions nationales ou étrangères, auxquels ils doivent rendre des comptes si le produit de leur placement n'a pas la rentabilité souhaitée.
Ensuite parce que dès lors qu'agent économique (un État, une entreprise ou un particulier) n'honore pas sa dette, il est placé en défaut de paiement et ne pourra plus emprunter sur les marchés financiers. Si un État se trouve dans cette situation, il n'aura alors plus qu'un seul recours pour financer ses dépenses excédentaires: celui de demander au Fonds Monétaire international (le FMI) la possibilité de mobiliser sa quote-part. Un droit dont chaque État dispose sur la base de sa propre contribution à ce fonds destiné à stabiliser les fluctuations de la finance mondiale. Mais le FMI n'accorde ce droit de tirage qu'à la condition que les sommes prêtées seront remboursées à échéance, ce qui suppose que le pays s'engagera dans un programme généralement très strict d'assainissement de ses finances publiques.
Il est préférable d'éviter d'avoir besoin de l'aide au FMI. La Grèce s'est trouvée, il n'y a pas si longtemps dans cette situation et personne, surtout pas le Grecs, ne souhaite retrouver le goût amer de la potion qu'ils ont été obligés de boire.
Il y a enfin une autre piste pour améliorer les recettes budgétaires et résorber la dette: c'est la croissance. Mais ici encore ce terme est associé à une série de représentations le plus souvent negatives.
Et si nous en parlions dans un prochain episode?