2 – Pauline et Solène
[CW] Ce chapitre évoque brièvement des thèmes liés à la transition de genre, au coming-out et au bdsm (sans contenu explicite).
Nous sommes en 2024, j'ai alors 29 ans.
Le covid est passé par là, c'était dur mais pas vraiment insurmontable de mon côté. À la limite, le plus compliqué durant cette période fut la gestion de la douleur de ma jambe suite à une méchante entorse qui a mal guéri. 2024, cela fait aussi deux ans que j'ai commencé mon traitement hormonal pour transitionner, après plusieurs années à hésiter ; j'étais sûre de mon choix (l'unanimité était là depuis la première fois que je me suis posé la question intérieurement.) mais certaines raisons extérieures ont repoussé ma prise de rendez-vous avec un endocrinologue (et il aura alors fallu attendre 1 an avant de pouvoir le voir) et le début de ma transition sociale. Ainsi, l'année 2022-2023 fut chargée, entre les multiples coming-out auprès de mes proches et des personnes extérieures que je côtoyais (Boulot, professionnels de santé, etc ...) qui se sont globalement bien passés (À part avec un de mes oncles du côté de mon père ... C'est comme ça, il ne nous manque pas) et les diverses démarches administratives pour officiellement pouvoir porter le prénom Aurore sur nos papiers d'identité.
En parallèle, ces années furent riches en nouvelles rencontres. Ma relation amoureuse, entamée en 2021, se transforma petit à petit en un amour platonique solide : son soutien durant ces années fut inestimable. Nous vivons toujours ensemble aujourd'hui, polyamoureuses et heureuses de cette situation. Puis, fin 2023, début 2024, pas mal de choses se sont enchaînées : le retour progressif de ma libido, la découverte de ma pansexualité et demisexualité, un changement de boulot un peu compliqué et surtout l'apparition de plusieurs nouveaux centres d'intérêt comme le piano et le bdsmk. Après quelques mois, deux nouvelles relations amoureuses courtes mais sympathiques qui se sont bien terminées, et un voyage pour aller voir une amie de l'autre côté de la France (je ne voyage pas beaucoup en général.), j'ai commencé à me demander si toutes ces nouvelles choses n'étaient pas en quelque sorte une manifestation d'une “partie de moi” qui souhaitait s'exprimer ou exister.
Après quelques jours avec cette pensée en tête, je me suis dit que je pouvais peut-être me poser la question intérieurement, comme je le faisais pour certains questionnements importants dans ma vie. “Est-ce que ... il y a quelqu'un ? Est-ce que tu existes ?” Et cette fois, je n'ai pas reçu un ensemble de réponses un peu mélangées, un peu brouillonnes comme d'habitude, mais bien deux réponses distinctes et identifiables, qui n'étaient pas dans cette boite close. Je posais la question sans savoir à quoi m'attendre, en envisageant tout autant recevoir une réponse que le silence, et malgré cela, c'était tout de même ... Disons assez surprenant. Nous avons commencé à discuter un peu toute les trois, pour essayer de déterminer ce qu'elles étaient. Puis le lendemain, nous avons pris un moment pour explorer un peu plus la situation.
J'ai rapidement accepté leur existence : je ne pouvais la nier, et au-delà de ça, je ne le souhaitais pas. En réalité, c'était même plutôt l'inverse : j'ai souhaité la respecter et leur laisser de l'espace pour qu'elles puissent exister et se développer. Nous avons facilement trouvé des noms qui leur plaisaient : Pauline et Solène. Nous échangions principalement intérieurement mais régulièrement l'une d'entre nous exprimait ses paroles à voix haute et c'est une des premières choses qui m'a marqué : Nous ne parlions pas de la même façon. Que ce soit le rythme et le débit, la hauteur et le ton, le choix des mots et expressions, etc. Des variations plus ou moins importantes mais clairement présentes.
Avec le temps, les différences sont aussi apparues dans nos centres intérêts, et je me suis rendue compte que certaines choses que je pensais apprecier mais vers lesquelles j'avais une sorte de “retenue” étaient en fait plus leurs intérêts que les miens. Par exemple, c'est Solène qui souhaite, bien plus que moi, jouer du piano. De même, si j'ai toujours un intérêt présent mais limité pour le bdsm, Pauline elle s'y épanouit complétement (d'ailleurs, nous n'avons pas tout à fait les mêmes dynamiques dans nos pratiques) Et puis, il y a aussi les intérêts strictement différents comme la musculation (je déteste ça au plus au point mais Pauline aime bien en faire régulièrement) ou bien la cuisine que j'affectionne alors que Solène se limiterait, si elle devait s'en occuper, à la préparation de pâtes au beurre. Enfin, il y avait aussi chez elles, surtout au début, certaines envies d'exploration, d'expérimentation, afin qu'elles même se construisent et se développent.
Nous avons assez vite évoqué certains sujets qui me paraissaient importants, en particulier concernant le fonctionnement de notre cohabitation, afin de poser de bonnes bases, entre autres en termes de valeurs et de limites qui heureusement se sont trouvées être essentiellement similaires. La question de leur exposition aux autres s'est aussi rapidement posée. En effet, quand bien même je souhaitais leur laisser la possibilité “d'aller et venir au premier plan” à notre gré, nous ne pouvions nier que ce changement pourrait être ... Compliqué auprès de certain.es.
Pour conclure ce chapitre, j'aimerais ici reprendre texto mon écrit de l'époque :
“Nous allons en parler à quelques ami.es proches et ouvert.es mais nous ne savons pas encore comment nous ferons vis à vis des inconnu.es ou des personnes moins proches ou moins ouvertes d'esprit. C'est une question compliquée :/ Dans tous les cas, elles devront certainement être présentées aux partenaires potentiel.les ... Nous verrons bien ... Finir par assumer complétement aux yeux des autres pourrait à la fois simplifier et complexifier les rapports sociaux. J'aimerai pourtant bien que Pauline et Solène puissent pouvoir exister sans ce genre de contraintes.”
Prochaine partie : les mois qui ont suivi, Chris et la prise de conscience
Vous aurez peut-être remarqué si vous êtes familiers avec le vocabulaire lié à la multiplicité que je ne l'utilise pas vraiment dans ce chapitre ; c'est volontaire, afin de retranscrire au mieux notre vécu des événements, en reprenant nos mots utilisés alors. À cette époque, nous n'avions aucune connaissance sur le sujet sinon vaguement l'existence de personnes ayant plusieurs identités mais pas plus et nous n'avions même pas fait ce lien avec notre situation.