Sébastien – Chapitre 8 – Le choix
[Dans l’éveil fragile de l’aube, Séb retrouve la tendresse de son enfance et ose, pour sa mère, les mots qui redonnent lumière.]
Séb se réveille tôt ce matin. Le jour n’est pas encore levé. Il doit être 4 h 30. Il commence à percevoir de petits bruits dans les couloirs du service. Comme si l’équipe de nuit puisait ses dernières forces, mangées par cette veille contre nature qu’ils doivent maintenir.
Cette nuit a encore été marquée par un rêve d’une telle beauté qu’il est presque dommage de se réveiller trop tôt.
Pourtant, il se sent calme et reposé. Son esprit n’est pas pesant ni embrumé comme les autres matins.
Hier soir, il a entendu que l’IDE n’était pas loin. Elle allait passer lui donner son anxiolytique, et il a simulé un sommeil profond. Effectivement, la porte s’est ouverte doucement. À travers ses paupières, il a perçu la faible lueur de la lampe de l’infirmière. Habituée à la pénombre, elle s’est approchée, son regard posé un instant sur lui, puis elle s’est éloignée comme une petite souris et a refermé doucement la porte.
Ce matin, les pensées de Séb vont vers sa mère. Claire. Il a des souvenirs de son enfance tendre : la beauté de sa mère, son sourire éclatant, ses éclats de rire qu’il provoquait. Leurs jeux, les histoires improvisées qu’elle lui racontait. Quels bons souvenirs, quels moments précieux.
Mais soudain, il revoit Claire, venue lui rendre visite avant-hier. La même, mais plus tout à fait. Vieillie, les yeux cernés. Une étreinte douloureuse lui saisit le cœur. Sa peine devient la sienne, un instant.
Il l’aime tellement, elle qui lui a tant donné. S’il pouvait ranimer les instants de bonheur pour elle…
Dans le couloir, ça commence à s’activer. Hey, il reconnaît deux voix familières, comme une mélodie qu’il ne se lasse pas d’écouter sur son baladeur… le tandem Sarah – Cyril. Il connaît déjà la scène du réveil, mais qu’importe. Il ne la subit pas, il l’attend. Le « hey salut Séb ! » et le délicieux « Saaalut Séb ! ».
Tout roule ce matin. L’organisation du service est fluide : pas d’imprévu, pas de casse de matériel, pas de course à l’urgence. Juste la routine, ce petit-déj, les soins donnés dans la bonne humeur, avec des sourires et de la musique.
Puis la kiné. Valérie l’accueille comme jamais, comme une grande sœur aimante. Cela ne se perçoit pas forcément des autres dans la salle, mais lui le sent. Elle est un peu comme de la famille… et Séb repense à sa mère avec tendresse.
Au « resto », il est pote avec tout le monde, lui qui s’éveille et fait des progrès. Lui, le porteur d’espoir pour les autres. Il a toujours sa table attitrée, avec Peter et les amis de cœur qu’il s’est faits ici.
Après le repas de midi vient l’heure du repos. La sieste. Réminiscence de l’école maternelle… Un temps pour lui, pour se retrouver.
Les yeux fermés, il voit le visage de sa mère.
- Il faut que je la console, que je lui redonne un peu d’espoir, un peu de joie. De l’espoir, j’en ai !
Un flash de Naïma traverse son esprit. Pourquoi ? Il l’ignore.
Un petit « toc toc » timide se fait entendre à la porte. Elle s’ouvre doucement… MAMAN ! crie-t-il intérieurement, comme un moment tant attendu.
Claire s’approche, gonfle sa poitrine pour délivrer son image de maman de toujours malgré ses soucis. Elle doit donner le change.
Elle saisit une chaise. On dirait qu’elle pèse une tonne. Sa petite maman chérie… La tristesse étreint le cœur de Séb. La voir au martyre ainsi.
Elle tient un petit cadeau. Toujours un petit quelque chose, comme à chaque visite.
- Un gros bisou d’abord, mon chéri.
Séb se sent fondre.
- Devine ! J’ai trouvé le dernier album de ton groupe préféré !
Elle s’assoit, lui caresse la joue, le bras, lui sourit. Sa main posée près de la sienne, et ce regard dont elle seule a le secret.
Alors, un flot de paroles jaillit de Séb. Jusqu’ici il n’avait prononcé que quelques mots. Sa mère l’avait appris par l’équipe.
- Maman, ne t’en fais pas. Je reviens bientôt. Je t’aime.
De son index, il caresse la main de Claire, un doux effleurement, un va-et-vient obstiné, comme le mouvement d’un essuie-glace. Un geste qu’il ne peut arrêter, et dont il ne se lasse pas.
De surprise, Claire porte sa main à sa poitrine. En un éclair, elle est transfigurée en la maman joyeuse qu’il a toujours connue.
Tous deux sont heureux. Le temps se fige, et il pourrait bien rester ainsi pour toujours…
⋱⋰ ⋱⋰ ⋱⋰
(◕‿◕)♡ Petit clin d’œil musical :
- Ólafur Arnalds – Near Light
- Agnes Obel – Familiar
- Hammock – I Can Almost See You
● . ◉ Noktiane – Un nouveau texte le jeudi ( ou presque ).
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