Le budget comme acte politique

Dans une démocratie moderne, l’État a besoin d’argent pour pouvoir assurer ses missions. Pour cela, il demande au Parlement l’autorisation d’utiliser les ressources nationales, sur la base d’un document qu’il lui présente: le budget. Celui-ci précise les enveloppes de dépenses prévues, que l’État envisage de financer avec les recettes qu’il anticipe. La différence entre recettes et dépenses ne doit pas, si elle est négative (déficit) dépasser 3% de la richesse produite par le pays la même année, suivant les dispositions du traité de Maastricht ratifié en France par référendum en septembre 1992.

Le #budget est donc un acte prévisionnel, et c’est ce qui lui donne son caractère politique.

Sa préparation (ou son #vote) suppose d’avoir une vision de ce que peut être le pays dans un an: pour certains la France doit être plus compétitive, pour les autres, elle doit être plus sociale et pour les derniers, elle doit être moins ouverte. Le problème c’est que ces trois objectifs ne sont pas conciliables sans une véritable volonté de la part de tous les acteurs de se mettre d’accord en faveur d’un avenir commun: c’est d’ailleurs la raison pour laquelle, le budget est rarement voté par les oppositions, du moins dans la tradition française.

Or notre assemblée est constituée de 577 sièges (dont 3 vacants ou non pourvus) répartis en 11 groupes auxquels s’ajoutent 11 députés non inscrits. Ce qui change véritablement depuis les élections législatives de 2024, c’est que les membres du Parlement se divisent entre trois tendances irréconciliables dont les effectifs sont à peu près équivalents.

En classant les tendances autour des groupes majoritaires à l’Assemblée, on obtient ceci:

  1. tendance autour du RN groupe majoritaire (120 députés + 3 apparentés) allié avec l’Union des droites pour la république créée par Eric Ciotti (15 députés) soit 138 députés au total.
  2. tendance autour du deuxième groupe majoritaire: Ensemble (79 députés + 12 apparentés), Horizons et indépendant (29 députés+ 5 apparentés) et Démocrates (Modem) avec (35 députés +1 assimilé ) soit 161 députés au total.
  3. tendance autour du troisième groupe majoritaire: LFI NFP (70 députés + 1 apparenté)+ Socialistes et apparentés (62 députés +4) le mouvement Ecologistes et social (38 députés) et les communistes (PCF) de la Gauche démocrate et républicaine (17 députés), soit 192 députés au total

Problème: les 42 députés de la Droite républicaine (+7 apparentés), les 23 députés du groupe LIOT et les 11 députés non inscrits ne permettent à aucun groupe d’atteindre la majorité de 289 voix. Le refus de compromis (Arrangement dans lequel on se fait des concessions mutuelles– Def Le Robert) s’exprime par l’intransigeance des uns (tout le programme, rien que le programme) et, pour d'autres la confusion sémantique avec le terme de compromission (Fait d'exposer quelqu'un, de s'exposer à un préjudice moral ou d'engager sa réputation dans une affaire douteuse ; arrangement conclu par lâcheté ou intérêt pour les autres– Def Larousse); confusion susceptible d'entraîner une défaite électorale.

Un coûteux refus d'obstacle

A défaut de co-construire un accord, ces trois coalitions ont chacune un pouvoir de blocage, entrainant de facto le pays dans un cercle vicieux qui pour de nombreux analystes constitue autant de coûteux refus d’obstacles à l’heure où l’Etat est obligé d’emprunter de plus en plus et à un coût de plus en plus élevé pour financer ses dépenses de fonctionnement et compenser ainsi l’insuffisance de ses recettes. C’est ce que vient de sanctionner la dégradation de la note Fitch qui, loin d’être anecdotique juge sévèrement le blocage politique actuel:

La fragmentation politique entrave la consolidation : la défaite du gouvernement lors d'un vote de confiance illustre la fragmentation et la polarisation accrues de la politique intérieure. Depuis les élections législatives anticipées de mi-2024, la France a connu trois gouvernements différents. Cette instabilité affaiblit la capacité du système politique à mener à bien une consolidation budgétaire substantielle et rend peu probable la réduction du déficit budgétaire global à 3 % du PIB d'ici 2029, comme le souhaitait le gouvernement sortant. Nous pensons que la période précédant l'élection présidentielle de 2027 limitera encore davantage la marge de manœuvre pour la consolidation budgétaire à court terme et estimons qu'il y a de fortes chances que l'impasse politique se poursuive au-delà de l’élection” (traduit avec l’aide de DeepL.com).

Derrière ce blocage, il y a la vision caricaturale savamment entretenue par la plupart des groupes politiques, d'un budget représenté comme un gros gâteau que certains groupes de pression confisqueraient (les fameux cadeaux) au détriment des autres. Malheureusement, ce gâteau n'existe pas en tant que tel, le budget étant un acte prévisionnel: il se construit tous les jours avec les contributions conjointes de ce qu'on appelle les acteurs économiques: entreprises, particuliers et consommateurs, comme nous le verrons dans le prochain épisode.

#budget, #vote

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