« Rencontres Acousmatiques 2025 »

4 & 5 juillet @ CRANE lab https://linktr.ee/cranelab

The multidimensional sound-space hypothesis https://linktr.ee/desartsonnants

Hors-champs et espaces, de l’air entre les oreilles

Se promener en forêt, y tendre l’oreille, c’est découvrir combien de chants d’oiseaux, de cris d’animaux, nous parviennent sans pour autant que nous puissions en voir les sources. Une forêt est acoustiquement peuplée d’innombrables hors-champs. Elle nous offre un espace immersif, hautement acousmatique par définition, où nous entendons nombre de sons sans en voir les sources. Et pourtant, cette situation qui nous masque la majorité des êtres chantant, hululant, bramant, ne fait que renforcer la perception d’un espace où se déploient, se déplacent, mille et une sonorités.

Un exemple des plus séduisant est sans doute, au printemps, le moment de l’heure bleue, du Chorus Day, où la gente volatile dans sa quasi intégralité salue l’arrivée du jour, en s’affirmant comme occupants des portions de territoires, des espaces de nidification, des terrains où donner du syrinx. La plupart de ces acteurs volatiles restent cachés, hors de notre de notre espace visuel. Les chanteurs sont trop hauts perchés, trop embroussaillés, trop enforestés, dissimulés. L’oreille aguerrie les situe dans un paysage broussailleux, et parfois identifie les chants, et donc les chanteurs.

L’expérience malgache que, j’ai vécue il y a quelques années, n’a fait qu’amplifier cet effet de sidération, devant la multitude d’oiseaux, de lémuriens qui faisaient de la forêt un immense théâtre sonore exubérant, associé à un profond dépaysement. Ce fut la révélation d'une scène acoustique exotique, merveilleuse et un brin inquiétante, pour moi qui découvrais un univers bien loin de mes sentiers battus.

Les espaces acoustiques où, plus l’espace forestier est dense et peuplé, plus les hors-champs prennent de l’importance, et plus l’espace met l’oreille à contribution, fait que cette dernière a maille à découdre pour démêler un tissage sonore complexe, parfois aux limites de la saturation.

C’est dans ce bout de forêt malgache que, tendant oreilles et micros, je me suis posé la question de savoir si un compositeur, si doué soit-il, serait capable, non d’imiter ou de transmettre les ambiances, de donner à entendre cette luxuriance foisonnante, mais tout au moins de tenter d’en saisir et d'en transmettre l’atmosphère pour qui ne l’a pas vécu. Sans doute la tâche est redoutable, peut-être vaine, et la chose peut sembler impossible, si bien qu’il faille parfois y renoncer.

Le souvenir de cette complexité et richesse acoustique se suffira peut-être à lui-même. L'écoutant aura eu néanmoins, l’occasion de puiser des exemples de spatialisations inspirantes, latérales comme verticales. Il aura construit des volumes, sans même avoir à monter ces derniers, dans le sens d’une forme d’architecturale d'espaces sonores. Des volumes situés, en espaces et en temps, cela s’entend. Des espaces fluents, qui s’écoulent temporairement, autant que fluants, dans une sorte d’instabilité constante, de perpétuel changement, selon les lieux, les heures, les époques, les habitants, les événements …

L’expérience des hors-champs forestiers m'aura mis de l’air entre les oreilles, et ouverts des champs d’écoute parfois inouïs, à 360° ou presque, et qui plus est de droite à gauche, de près et de loin et de bas en haut.