« Rencontres Acousmatiques 2025 »
4 & 5 juillet @ CRANE lab https://linktr.ee/cranelab
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Forêt primaire : un point d'entrée
De tout temps, la forêt a été un lieu dangereux, où on abandonne des enfants, il y a des sorcières, des monstres, des génies. Le mythe est ancré dans notre inconscient collectif et dans nos corps, une peur ancestrale qui nous saisit lorsque nous nous préparons à pénétrer dans ce lieu.
On se tient à l’orée, on l’envisage, du moins on essaie. On entend déjà au loin la composition de ses habitants, l’acoustique, son espace indéterminé.
Pour entrer dans une forêt primaire il faut être guidé, être initié car c‘est souvent un lieu grâce auquel on peut soigner. C’est un monde autonome où tout est mouvement, bruissements, frottements, on guette les oiseaux, la cime des arbres est inaccessible.
On se projette donc dans une inconnue. L’obscurité nous envahit, nos yeux essaient de distinguer des formes. On entre dans un espace intérieur. Ce que l’on voit est fugitif, le sonore est une multiplication de déplacements, il est composé d’écho, de mouvements fluides, d’autres percutants. La forêt est un lieu acousmatique par excellence, rien, de ce que l’on peut voir, n’est certain, l’origine d’un son est floue. On perçoit, on devine, on imagine. On voyage dans les différentes dimensions, en particulier celles de hauteur et de profondeur.
À force de s’enfoncer dans cette forêt primaire, on est absorbé, on se dissout pour mieux écouter, mieux sentir les strates de vie. Il faudrait devenir un assemblage d’humain, d’animal et de végétal pour s’y inclure tout à fait.
On a affaire à notre préhistoire, ce pourquoi persiste l’orientation à 360° des oreilles. Il nous faut réacquérir une acuité sonore fine afin de percevoir l’infiniment petit, le très ténu autant que le très lointain, le vague, l’indéfini. Car il n’y a que quelques coups d’éclats ponctuels, le fondement de l’espace sonore de la forêt primaire est un tissu, une trame qui contient ce qui la compose. Indissociables, les éléments jouent ensemble et nous apprennent que ce qui est primordial est l’interrelation des êtres.