purplemices

Normalement, vous devriez déjà avoir lu la présentation du projet épinglé au dessus. Si ce n'est pas le cas, je vous invite fortement à le faire avant de continuer :)


[TW] Ce chapitre évoque brièvement un harcèlement scolaire (sans détails).

Et bonjour chèr.e lecteurice,

Ce premier chapitre est voué à poser un peu de contexte, faire une petite présentation préliminaire, revenir un peu sur notre parcours pré-prise de conscience ; ça ne sera probablement pas la partie la plus intéressante de notre récit, mais nous pensons que ça peut être pertinent d'avoir certains de ces éléments en tête pour peut-être (ou non) faire des liens et comprendre certains aspects de notre vécu.

Pour commencer, moi, c'est Aurore, je suis une des hôtes du système Purplemices et ce sera probablement moi qui vous raconterai l'essentiel de notre histoire dans ce blog. Nous verrons par la suite si certain.es d'entre nous souhaitent prendre directement la parole pour des sujets les concernant. La forme des billets évoluera possiblement avec le temps, peut-être nous autoriserons-nous à présenter certaines parties sous forme de discussion entre plusieurs souris. Techniquement, je serai assistée dans cette tâche d'écriture par Nina, une autre alter du système, ainsi que probablement ponctuellement par certain.es autres, mais nous avons décidé ensemble que ce serait plus commode que je sois généralement la voix affichée au singulier.

Maintenant, revenons quelque temps en arrière, à une époque où nous n'étions, ou ne pensions être, qu'une, solitaire, singlet, seule dans notre identité ; autrement dit, l'époque, pas si lointaine, avant notre prise de conscience multiple.

Autant que je m'en souvienne, j'ai eu une enfance plutôt cool : des parents aimants, une grand-mère que je vois encore souvent (coucou mamie !), pas de frère ou de soeur, un border collie nommé Dax qui a égayé ma jeunesse jusqu'à son décès quand j'avais 15 ans ; j'ai toujours été plutôt bien entourée et soutenue. Je n'ai jamais vraiment manqué de rien dans cette famille moyenne qui m'a éduquée dans des valeurs de tolérance et d'ouverture d'esprit. Tout n'était pas parfait, il y a bien entendu eus quelques hauts et bas, mais globalement, j'ai grandi dans une famille heureuse.

[TW: harcèlement scolaire] Je détestais l'école malgré quelques facilités scolaires et le fait que je n'ai jamais vraiment été isolée ; j'ai toujours eu quelques ami.es pour bavarder en classe et m'occuper pendant les pauses. J'ai longtemps été timide, mais pas au point que ça s'avère être problématique. Le collège, c'était nul, mais en soi ça s'est plutôt bien passé. J'y ai toutefois vécu une courte période de harcèlement de la part de camarades de classe ; Ça n'a duré que trois mois tout au plus, grâce à l'intervention rapide de ma mère qui a su repérer que je n'allais pas très bien. Le lycée était peut-être la meilleure période scolaire pour moi, la plus intéressante (même si je détestais toujours y aller) alors que paradoxalement mes résultats commençaient à devenir passables par le manque d'investissement dans les devoirs et révisions. Sans rentrer dans les détails, s'en est suivi des études supérieures sans passion et une longue période d'errance, à chercher une voie professionnelle, à alterner entre débuts de nouvelles études et petits boulots, dans cette société productiviste avec laquelle on se sentait de plus en plus en décalage, au point de finir par développer vers 25-26 ans une anxiété grandissante dès qu'il s'agissait de se pencher sur cette question (spoiler, sur cet aspect, c'est toujours au point mort quelques années plus tard)

Voilà, ça c'était le volet fastidieux du parcours scolaire/pro, peut-être un peu long pour ce qu'il apporte mais c'est dur de résumer plus que ça. Plus globalement, j'aimerais ajouter quelques détails divers, un peu en vrac et vous en faites ce que vous voulez.

  • j'ai toujours aimé les univers de fiction ; toute aussi agréable qu'ait pu être mon enfance, j'ai très tôt apprécié m'évader dans des mondes différents.
  • j'ai depuis longtemps et régulièrement (Impossible de me souvenir à quand ça remonte ... Collège ? Primaire ?) parlé à voix haute quand j'étais seule, comme si je m'adressais à moi-même ou à une personne invisible. J'ai longtemps pensé que c'était surtout pour organiser mes pensées. (Ce qui en soit n'est pas complétement faux je pense, juste ... Incomplet)
  • nous n'avons aucune connaissance d'avoir subi des traumatismes importants ; quelques expériences négatives marquantes ayant pu influer sur notre développement ont émaillé notre passé mais rien de majeur.

Enfin, avant de clôturer ce chapitre, je pense qu'il serait intéressant que je vous parle d'un dernier petit truc : A l'entrée dans l'âge adulte, j'ai commencé à devoir prendre des décisions, à faire des choix importants pour ma vie, pour mon quotidien. Et parfois, de manière assez ponctuelle mais de plus en plus avec les années qui passaient, pour faire un choix impactant, ou même juste pour savoir ce que je pensais profondément à propos d'un sujet, je me posais la question intérieurement. Et à cette question, je recevais des réponses, parfois unanimes, parfois nuancées, voir même quelque fois, bien que rarement, opposées. Ces réponses étaient distinctes mais mélangées et impossibles à identifier, comme provenant d'une sorte de boîte fermée.

Mais ça, c'était avant Pauline et Solène. (et ça, ça sera le prochain chapitre)

[CW] Ce chapitre évoque brièvement des thèmes liés à la transition de genre, au coming-out et au bdsm (sans contenu explicite).

Nous sommes en 2024, j'ai alors 29 ans.

Le covid est passé par là, c'était dur mais pas vraiment insurmontable de mon côté. À la limite, le plus compliqué durant cette période fut la gestion de la douleur de ma jambe suite à une méchante entorse qui a mal guéri. 2024, cela fait aussi deux ans que j'ai commencé mon traitement hormonal pour transitionner, après plusieurs années à hésiter ; j'étais sûre de mon choix (l'unanimité était là depuis la première fois que je me suis posé la question intérieurement.) mais certaines raisons extérieures ont repoussé ma prise de rendez-vous avec un endocrinologue (et il aura alors fallu attendre 1 an avant de pouvoir le voir) et le début de ma transition sociale. Ainsi, l'année 2022-2023 fut chargée, entre les multiples coming-out auprès de mes proches et des personnes extérieures que je côtoyais (Boulot, professionnels de santé, etc ...) qui se sont globalement bien passés (À part avec un de mes oncles du côté de mon père ... C'est comme ça, il ne nous manque pas) et les diverses démarches administratives pour officiellement pouvoir porter le prénom Aurore sur nos papiers d'identité.

En parallèle, ces années furent riches en nouvelles rencontres. Ma relation amoureuse, entamée en 2021, se transforma petit à petit en un amour platonique solide : son soutien durant ces années fut inestimable. Nous vivons toujours ensemble aujourd'hui, polyamoureuses et heureuses de cette situation. Puis, fin 2023, début 2024, pas mal de choses se sont enchaînées : le retour progressif de ma libido, la découverte de ma pansexualité et demisexualité, un changement de boulot un peu compliqué et surtout l'apparition de plusieurs nouveaux centres d'intérêt comme le piano et le bdsmk. Après quelques mois, deux nouvelles relations amoureuses courtes mais sympathiques qui se sont bien terminées, et un voyage pour aller voir une amie de l'autre côté de la France (je ne voyage pas beaucoup en général.), j'ai commencé à me demander si toutes ces nouvelles choses n'étaient pas en quelque sorte une manifestation d'une “partie de moi” qui souhaitait s'exprimer ou exister.

Après quelques jours avec cette pensée en tête, je me suis dit que je pouvais peut-être me poser la question intérieurement, comme je le faisais pour certains questionnements importants dans ma vie. “Est-ce que ... il y a quelqu'un ? Est-ce que tu existes ?” Et cette fois, je n'ai pas reçu un ensemble de réponses un peu mélangées, un peu brouillonnes comme d'habitude, mais bien deux réponses distinctes et identifiables, qui n'étaient pas dans cette boite close. Je posais la question sans savoir à quoi m'attendre, en envisageant tout autant recevoir une réponse que le silence, et malgré cela, c'était tout de même ... Disons assez surprenant. Nous avons commencé à discuter un peu toute les trois, pour essayer de déterminer ce qu'elles étaient. Puis le lendemain, nous avons pris un moment pour explorer un peu plus la situation.

J'ai rapidement accepté leur existence : je ne pouvais la nier, et au-delà de ça, je ne le souhaitais pas. En réalité, c'était même plutôt l'inverse : j'ai souhaité la respecter et leur laisser de l'espace pour qu'elles puissent exister et se développer. Nous avons facilement trouvé des noms qui leur plaisaient : Pauline et Solène. Nous échangions principalement intérieurement mais régulièrement l'une d'entre nous exprimait ses paroles à voix haute et c'est une des premières choses qui m'a marqué : Nous ne parlions pas de la même façon. Que ce soit le rythme et le débit, la hauteur et le ton, le choix des mots et expressions, etc. Des variations plus ou moins importantes mais clairement présentes.

Avec le temps, les différences sont aussi apparues dans nos centres intérêts, et je me suis rendue compte que certaines choses que je pensais apprecier mais vers lesquelles j'avais une sorte de “retenue” étaient en fait plus leurs intérêts que les miens. Par exemple, c'est Solène qui souhaite, bien plus que moi, jouer du piano. De même, si j'ai toujours un intérêt présent mais limité pour le bdsm, Pauline elle s'y épanouit complétement (d'ailleurs, nous n'avons pas tout à fait les mêmes dynamiques dans nos pratiques) Et puis, il y a aussi les intérêts strictement différents comme la musculation (je déteste ça au plus au point mais Pauline aime bien en faire régulièrement) ou bien la cuisine que j'affectionne alors que Solène se limiterait, si elle devait s'en occuper, à la préparation de pâtes au beurre. Enfin, il y avait aussi chez elles, surtout au début, certaines envies d'exploration, d'expérimentation, afin qu'elles même se construisent et se développent.

Nous avons assez vite évoqué certains sujets qui me paraissaient importants, en particulier concernant le fonctionnement de notre cohabitation, afin de poser de bonnes bases, entre autres en termes de valeurs et de limites qui heureusement se sont trouvées être essentiellement similaires. La question de leur exposition aux autres s'est aussi rapidement posée. En effet, quand bien même je souhaitais leur laisser la possibilité “d'aller et venir au premier plan” à notre gré, nous ne pouvions nier que ce changement pourrait être ... Compliqué auprès de certain.es.

Pour conclure ce chapitre, j'aimerais ici reprendre texto mon écrit de l'époque :

“Nous allons en parler à quelques ami.es proches et ouvert.es mais nous ne savons pas encore comment nous ferons vis à vis des inconnu.es ou des personnes moins proches ou moins ouvertes d'esprit. C'est une question compliquée :/ Dans tous les cas, elles devront certainement être présentées aux partenaires potentiel.les ... Nous verrons bien ... Finir par assumer complétement aux yeux des autres pourrait à la fois simplifier et complexifier les rapports sociaux. J'aimerai pourtant bien que Pauline et Solène puissent pouvoir exister sans ce genre de contraintes.”

Prochaine partie : les mois qui ont suivi, Chris et la prise de conscience


Vous aurez peut-être remarqué si vous êtes familiers avec le vocabulaire lié à la multiplicité que je ne l'utilise pas vraiment dans ce chapitre ; c'est volontaire, afin de retranscrire au mieux notre vécu des événements, en reprenant nos mots utilisés alors. À cette époque, nous n'avions aucune connaissance sur le sujet sinon vaguement l'existence de personnes ayant plusieurs identités mais pas plus et nous n'avions même pas fait ce lien avec notre situation.

Nous étions donc 3 : moi (Aurore), Pauline et Solène.

Durant les semaines qui ont suivi nos première discussions, nous avons conscientisé nos premiers switchs hors réunion interne. Ceux-ci furent assez naturels, sans vraiment que ce soit “voulu” ou “recherché” ; ils ont eu lieu, c'est comme ça. Dans un premier temps, ces switchs étaient très ponctuels et très courts, et passaient inaperçus.

Nous avons rapidement décidé d'en parler à notre compagne de vie Julie, en qui nous avons toute confiance, ce que nous avons fait durant un trajet en voiture. C'était en mars 2024. Pour commencer, c'est moi qui lui ai expliqué la situation, que nous étions plusieurs, et ce qu'étaient à ce moment-là, avec nos mots, Solène et Pauline. Malgré la confiance que je voue à cette personne, j'étais tout de même un peu stressée, et ça m'a rappelé certains coming-out passés. Je ne sais pas si c'est à cause de ça, ou parce que j'étais concentrée sur la conduite, mais mon souvenir de sa réaction est un peu flou aussi je lui ai demandé ce qu'elle avait ressenti à ce moment là.

“De l'inquiétude, mais je ne voulais pas le montrer.” Peut-être l'avons nous ressenti comme une forme de doute ; alors qu'initialement il n'était pas prévu que l'une des deux autres ne se manifeste (d'ailleurs elles n'en avaient pas vraiment envie.), quelques minutes après mon échange avec notre partenaire, Pauline a alors switch brièvement pour directement dialoguer avec elle, pour se présenter en personne. Anecdote : le switch s'est senti dans la voiture ; nous découvrions en direct que Pauline avait une conduite plus nerveuse que la mienne. (Et c'est toujours le cas, mais en général elle préfère me laisser le volant pour cette raison ; non qu'elle soit mal à l'aise, mais qu'elle reconnaît ma conduite plus sûre)

“Au début, je ne savais pas si c'était réel ou si c'était un jeu de rôle” m'a aussi dit Julie rétrospectivement à propos des premiers temps. Ce doute s'est estompé et a disparu en quelques semaines alors que les switchs en sa présence se faisaient plus récurrents et plus marqués. (bien que toujours ponctuels et encore assez rares)

Quelque temps plus tard, nous avons aussi choisi d'évoquer le sujet avec notre psychologue durant un rendez-vous ; celle-ci, bienveillante et ouverte, voyant que nous vivions la chose positivement, n'a pas remis en question notre vécu. Le rendez-vous suivant, Solène est passée aux commandes sur la l'essentiel du temps pour échanger directement avec elle. C'était d'ailleurs la première fois que l'une d'entre elles restait aussi longtemps à l'avant.

Environ 3 mois après l'arrivée de Pauline et Solène, en mai 2024, une nouvelle histoire d'amour nous est tombé dessus, de manière inattendue, passionnelle. Elle s'appelle Astra, elle possède une vision très similaire à la mienne concernant les relations amicales et amoureuses et était au courant de l'existence de Pauline et Solène bien que je ne me souvienne plus du moment où nous lui en avions parlé. Et chose amusante, Julie aussi entamait une nouvelle relation de son côté à la même période. Nous continuions à vivre ensemble, tout en voyant régulièrement nos nouvelleaux partenaires de vie, soit à la maison, soit chez elleux. Nous avons trouvé assez vite une organisation satisfaisante et flexible malgré la relative complexité que cela impliquait dans nos agendas.

Puis, dans la seconde partie du mois de mai, une nouvelle entité s'est présentée à moi après que je me sois questionnée à nouveau suite à certains signes (en partie relevés par notre nouvel amour) : Chris. Cette nouvelle rencontre fut aussi surprenante que les premières, Chris étant ... énergique, enjouée, et un peu ... animale par certains aspects. Et sa personnalité, qui tranchait pas mal avec mon calme habituel, rendait à première vue la question de la place qu'elle pourrait occuper dans notre vie, j'entends par là aux commandes du corps en présence d'autrui, potentiellement compliquée.

C'est aussi à cette période que nous avons pu observer que parfois, nous étions plusieurs aux commandes, ou à minima plusieurs en conscience du moment, mais j'y reviendrai plus tard, probablement dans un billet hors-série dédié à notre fonctionnement. En parallèle, nous avions pris le temps avec une amie de réfléchir à un nom pour désigner ces trois entités ; le terme retenu fut esprit. Nous l'utilisons encore parfois aujourd'hui comme synonyme d'alter.

Enfin bref, ça commençait à faire beaucoup ; oh, nous le vivions bien, mais j'aime essayer de comprendre comment je fonctionne, pouvoir mettre des mots sur mes expériences. Aussi, quelques jours après l'identification de Chris, je me suis mise à consulter des ressources en ligne. Je découvrais alors ce sujet que je commençais à vivre depuis déjà plusieurs mois, mais qui m'était encore inconnu : la multiplicité. Je pris conscience, une bonne fois pour toutes, que je suis, nous sommes, multiples. Plusieurs identités cohabitants dans le même corps, la même tête, la même vie.

Cette prise de conscience, elle m'a marqué. Elle m'a marqué pour de multiples (ahah) raisons. Déjà, car elle m'est apparu comme une évidence : cela faisait plusieurs mois que je cohabitais avec Pauline et Solène, et l'apparition de Chris, quoique surprenante, n'a pas vraiment été dur à vivre, à accepter. Et d'ailleurs, en écrivant ces mots, je me rends compte que c'était déjà le cas pour les deux premières : une surprise, mais pas un choc, alors que pourtant, c'était quelque chose de très fort et impactant dans ma vie. Ensuite, car je l'ai vécu comme un point de bascule dans mon existence : il y avait un avant et un après cette prise de conscience ; ma vie allait être différente. Pas forcément meilleure ou pire, là n'était pas la question, mais différente, au moins en partie. Et elle l'a été, mais nous y reviendrons plus tard. Enfin, car ce fut un moment qui a modifié en partie ma vision du monde, mais surtout aussi la vision que j'avais de moi-même. Je précise cela, car je me suis alors rendue compte qu'inconsciemment, jusque-là, je n'avais pas intégré le fait que moi-même, Aurore, j'étais tout autant une alter que Pauline, Solène et Chris. Que ma présence majoritaire au front et quasiment permanente en conscience ne faisait pas pour autant de moi une “originale”, une personne à part. Autrement dit, que je faisais partie d'un tout, et non pas que ce tout faisait partie de moi.

Honnêtement, je ne saurai expliquer pourquoi je l'ai si bien vécu. Émotionnellement, ce moment a été très fort, mais globalement positif pour moi.

Cette prise de conscience fut suivie d'une période intense de découvertes et de structuration initiale qui fut relativement courte (moins de deux mois) mais très fatigante car s'ajoutant à un quotidien déjà bien chargé. Mais ce sera pour le prochain chapitre.

Bonjour et bienvenue dans ce premier court hors-série.

Suite à la publication de la troisième partie du récit principal, j'ai pris le temps de demander à Astra quand et comment c'était passé la première fois que j'ai évoqué l'existence de Pauline et de Solène auprès d'elle.

“C'était un peu après qu'on ait commencé à se fréquenter et avant que je ne t'avoue mes sentiments pour toi. À un de nos rendez-vous, tu m'as expliqué la situation, avec tes mots, comme quoi deux entités cohabitaient avec toi depuis quelque temps. Ayant déjà côtoyé d'autres personnes concernées par la multiplicité, je n'étais pas complétement ignorante sur le sujet et ça ne m'a pas trop perturbé même si je ne m'y attendais pas. Le soir, alors que nous discutions à distance, Pauline a voulu me parler et celle-ci m'a envoyé un message vocal. Elle avait une façon de parler un peu différente de celle que je te connaissais. Elle a pris le temps de se présenter ainsi que de donner le nom de Solène. Nous avons échangé un peu puis tu es revenue pour continuer notre discussion précédente.”

Pauline m'a aussi rappelé un détail concernant ce moment : Après les premiers messages vocaux, Astra nous a envoyé un message à nous toutes, nous trois, en disant “vous”. Ce message nous a profondément touchées, et en particulier Pauline : c'était la première fois qu'on s'adressait à nous au pluriel, et cela a résonné comme une reconnaissance d'existence particulièrement appréciable.

Voilà qui conclut ce premier hors-série. Passez une bonne journée.

“Nous sommes multiples. Et nous sommes 4.” 4 ? Vraiment ? Pour le moment, mais pas pour très longtemps.

La suite de notre histoire est complexe à raconter : après notre prise de conscience, pendant les premières semaines, se sont enchaînées en parallèle la découverte de concepts afin de comprendre notre situation, l'apparitions ou identification de plusieurs alters et fragments, et nos premières discussions et réflexions de groupe afin de commencer à structurer notre fonctionnement. Le tout s'intégrant dans une période assez intense en termes d'activités et sociabilité externe. Ce fut une période riche et positive pour nous, mais vraiment épuisante.

Je tiens à préciser que si je vais essayer de garder un semblant d'ordre chronologique, certaines choses se sont faite sur des périodes de temps qui se chevauchent. Nous allons aussi probablement faire quelques digressions. J'espère que ça ne sera pas trop décousu ^^

Concernant nos recherches sur internet et les ressources que nous trouvions pour nous aider à appréhender notre multiplicité, je ne pense pas trop rentrer dans les détails. Sachez juste que cela s'est fait progressivement en parallèle du reste ; certaines choses nous parlaient, résonnaient avec notre vécu, d'autres moins ou pas du tout. Le sujet étant complexe, vaste, et variable d'une personne à une autre, j'ai passé pas mal d'heures sur quelques semaines à me renseigner ; j'aime bien essayer de comprendre comment je fonctionne, ou plutôt comment nous fonctionnons, et ce même si certaines questions resteront probablement à jamais sans réponses.

Enfin bref, quelques jours après l'arrivée de Chris et le début de nos recherches, j'ai entendu une voix me dire “au fait, on est là nous aussi”. Le soir, j'ai donc cherché à discuter avec ces entités, qui se sont trouvé être un groupe de plusieurs fragments. Ils étaient assez formés pour avoir conscience d'elleux-même et pour pouvoir discuter un peu, mais tout aussi conscients de ne pas être des identités à part entière. On ne savait même pas ce qu'était un fragment à ce moment-là, nous n'avons pu mettre ce mot sur leur existence que quelques jours plus tard. Au nombre de 3, iels représentent une émotion particulière, un sens et une volonté spécifique ; je ne donnerai pas plus de détails ici. Encore aujourd'hui iels sont présents et se greffent parfois au front pour des situations qui les concernent. (en réalité iels sont probablement là à chaque fois, mais on ne les ressent pas toujours sur l'instant).


On y a réfléchi et on ne saurait expliquer pourquoi ces trois premiers fragments. Pourquoi pas plus nombreux ? Pourquoi pas d'autres émotions ou sens ? Et pourquoi deux autres fragments, représentant des choses encore très différentes, se sont présentés l'un quelques semaines plus tard, l'autre quelques mois, sans vraiment d'explication ? C'est comme ça, ça fait partie des mystères de notre vie.

Ceci dit ... le même questionnement s'applique pour la grande majorité (sinon l'intégralité) d'entre nous, les esprits complets. Oh, on a envisagé et exploré quelques pistes de réflexions et de réponses pour certain.es, en se penchant entre autres sur notre passé, mais en réalité ce ne sont que des hypothèses qu'on ne pourra jamais vérifier de manière certaine. Aussi, dans l'essentiel, on ne se focus pas trop là-dessus ; on vit le présent tel qu'il est, car le plus important là-dedans (pour nous, je précise.), c'est qu'on existe, ce n'est pas de savoir pourquoi on existe (à une exception près un peu particulière, mais j'y reviendrai plus tard, peut-être dans un hors-série.).

Fin de cette première digression, revenons au récit.


Les suivants à arriver, deux jours après, furent Alex et Nina. C'était un soir, après une journée bien fatigante, alors que j'emmenais notre corps et notre tête épuisés jusqu'au lit pour un repos bien mérité. “Hé ! Faut qu'on cause !” “Oui, et moi aussi j'ai besoin de parler !” Deux nouvelles voix distinctes, inattendues. J'ai un peu été prise de court, et je n'avais aucunement l'énergie de gérer ça à ce moment-là. Pour cette raison, j'ai proposé qu'on prenne le temps de discuter le lendemain, et même si j'ai ressenti une légère contrariété de leur part, c'est ce que nous avons fait.

La première image que m'a renvoyée Alex, c'est celle d'un gars un peu patibulaire, n'aimant pas grand-chose à part se battre et faire la sieste. Durant ce premier contact en interne, son attitude de grande gueule et son apparence ont tout d'abbord effrayé Chris, mais il a immédiatement changé de posture afin de rassurer notre camarade. Alex a bon fond, mais ne veut en général pas le montrer. Par la suite, j'avais du mal à comprendre pourquoi son apparence alternait entre ce jeune homme peu commode et une jeune femme à l'allure malicieuse et rebelle, mais cela trouverait son explication environ 2 semaines plus tard. J'y reviendrai.

Avec Alex s'est donc aussi présentée Nina ; peut-être que ce nom vous semblera familier si vous vous souvenez du chapitre d'introduction. Entre autres choses, Nina aime écrire, aussi je suis contente qu'elle m'accompagne dans ce projet même si sa présence est assez discrète ; d'après elle, je n'ai pas vraiment besoin d'aide sur l'écriture. Les premières semaines après notre rencontre initiale, Nina ne voulait pas me parler. À chaque fois que j'essayais, elle me disait “laisse moi tranquille”, de manière assez virulente. Pour lui avoir demandé pourquoi par la suite, elle-même ne sait pas pourquoi elle réagissait comme ça.

Nous avons accueilli ces nouvelles identités assez sereinement, mais commençait à se poser la question de la suite. Est-ce que ça allait encore se développer ? Comment allions-nous cohabiter toustes ensemble ?

Nous avons convenu avec Pauline et Solène d'organiser une réunion de groupe trois jours plus tard, afin de voir si toustes pouvaient se rencontrer, et pour commencer à aborder certains points de fonctionnement.

Mais avant ça, un autre alter s'est présenté à moi. Succinctement. Léo. Pour le coup, de ce que j'ai compris de notre court échange, ça faisait longtemps qu'il était là, dormant, comme s'il en avait eu marre d'être là quand nous avions environ 20 ans. Et d'ailleurs, nous n'avons pu échanger que cette fois-ci. Il est venu à la réunion le lendemain, a précisé qu'il repartait dormir et je n'ai plus eu de contact avec lui depuis. Je ne sais pas s'il se remanifestera un jour.

Ce chapitre commence à être suffisamment long et dense comme ça. La suite attendra pour la partie 5.