alexis

Ce blog n'a pour l'instant pas de finalité définie. C'est le repentir secret de ma parole public, entre le journal et la chronique

C'est bon. Je sors de la lune de miel. Linux, c'est à la fois plus simple et plus compliqué que Windows. La simplicité c'est ce que j'aime. En ce qu'il n'y a rien de caché. Tout ce que je vois c'est ce qu'il y a. Si je veux quelque chose de plus je l'ajoute. Si quelque juste m'encombre, je l'enlève. Et c'est tout. Mais la complexité tient au fait que rien n'est donné. Il y a toujours quelque chose à négocier. Que ce soit la connection bluetooth d'un clavier sans fil, des drivers Nvidia ou un connecteur qui cesse mystérieusement de fonctionner sans raison apparente. Des fonctionnalités qui disparaissent, qu'on cherche pendants des heures sur des forums et qui reviennent aussi mystérieusement qu'elles étaient parties. Rien n'est caché, mais les choses semblent aussi fuir par les portes ouvertes.

Plusieurs logiciels me manquent et la promesse confiante d'une compatibilité est quelque chose qui me manque aussi. Ainsi, ce serait plus simple pour moi de retourner à Windows demain, retourner dans la routine, même si elle est imparfaite au moins j'y ait mes repaires et mes attentes. J'aurais aimé que ce soit plus facile d'aimer linux, mais c'est un amant compliqué à comprendre. C'est d'autant plus frustrant que je sais qu'une fois vraiment apprivoisé, une fois bien installés ensemble dans une routine, les choses iront bien. Mais le chemin jusque là est remplis d’embûches et je ne sais pas à quel point j'ai envie de les traverser.

Je ne suis pas encore certain de saisir tout ce qui se cache derrière la satisfaction d'utiliser Linux. Il y a d'une part la satisfaction non avouée d'être un peu plus spécial que les autres et un peu plus “libre”. Il y a ensuite la vidange intérieur de l'amertume et l'anxiété causée par une dépendance à des corporations milliardaires et omnipotentes. La joie et la quiétude de l'émancipation. Ensuite vient le plaisir du jeu, de la découverte et de la nouveauté.

Exploration, enquête, essai et erreur. Et c'est là une spécificité de Linux. Là où Windows et Mac OS sont conçus pour qu'on ait le moins possible à penser à l'écosystème et à l'OS, celui ou celle qui utilise Linux est très conscient de son système d'opération. Et ici une nouvelle satisfaction vient du travail qu'il faut faire pour façonner une interface à son image et son goût. On se découvre la capacité d'élucider des problèmes qui jadis s'imposaient à nous comme une fatalité. Rien, avec Linux, n'est insoluble. Avec un peu de patience, tout est possible. Finalement, et c'est quelque chose à quoi je ne m'attendais pas, c'est le côté humain de l'OS. Parce que qui explore cette voie passe nécessairement par les traces de milliers d'autre avant lui. Il découvre des communautés de passionnés et une myriades d'ingéniosités partagées sur le web. Derrière chaque extension, chaque thème, chaque réponse assidue à des forums nichés se cachent des gens.

Là où pour les grandes corporations l'inhumain est gage de prestige et d'élégance, Linux est un superbe alliage hétérogène d'intentions, de goûts, de gens. Bien entendu payer pour une licence Windows c'est payer pour un produit clé en main qui se tient, d'un bloc pour nous. Qu'on le veuille ou non les artisans, les humains qui l'ont créés resteront pour toujours anonyme parce qu'ils sont accessoire à Windows et Microsoft. Mais avec Linux, à quelque part, la communauté d'artisan est inséparable de ses créations.

Et le plaisir de découvrir ça, c'est quelque chose qui est difficile à expliquer. Difficile d'expliquer à celui ou celle qui a grandi dans l'écosystème léché de Apple pourquoi ça vaut la peine de passer des heures à s'échiner à essayer de faire fonctionner un logiciel, parce qu'on utilise un commun numérique et qu'on fait maintenant parti d'une communauté.

Enfin, je dit tout ça, mais ce n'est peut-être que la lune de miel. Reste à voir si je ne m'en lasse pas.

Une communauté. C'est ce que j'aimerais trouver sur le Fediverse. C'est drôlement banal étant donné la nature du web et du Fediverse mais à mesure que l'internet se transformais en un espace de divertissement, et se financiarisait, j'ai arrêté de chercher une communauté. On éclate comme l'infosphère à travers des dizaines de communautés ultra spécifiques et presque toutes un peu toxiques à leur manière. Mais il me manque les jours des petits forums que je fréquentais enfant, administrés dans la logique des communs numériques et hébergés et modérés par des passionnés. Et surtout, on pouvait avoir le sentiment d'y occuper une place importante sans avoir à y contribuer de manière obsessive tous les jours. Des inconnus qui prennent le temps de s'intéresser les uns aux autres et essaient de se comprendre. Ça ne remplace pas les communautés réelles, mais peut-être que les communautés réelles, elles non plus, ne remplacent pas complètement les communautés virtuelles. Cet espace désincarné de mots et d'idées. Je ne sais pas.

Environnement virtuel dans un environnement virtuel dans un environnement virtuel.

Je me sens différemment dans le monde. De ces matins où on a l’impression que le chemin à prendre pour retrouver la routine est plus long qu’à l’habitude. Et en chemin, dans quelques dédales intérieurs confortables, on se demande si on a envie d’y retourner à la normalité. On s’assoit au sol, on regarde les nuages. On ferme les yeux.

Il y a de ces moments qui s’étirent et se déploient sur des heures et des jours. Comme aujourd’hui. La course de la réalité comme en achoppement par rapport au reste du monde. Une harmonie se disloque en ses fibres. Je suis quelque part là dedans et je pense à ce que j’aimerais recomposer. Tout comme avant, ou seulement quelques fibres?

Et puis dans cette pénombre aujourd'hui je me sens surtout présent. Non plus seulement dans la prospection, dans les idées, les attentes et les mirages. Mais maintenant et ici. Et dans cette présence je me dis qu'il serait bien sensé de chercher plus de cohérence. C'est pourquoi j'expérimente aujourd'hui cette plateforme. Univers virtuel qui m'apparaît à travers un navigateur ouvert dans une distribution de linux elle-même ouverte dans une machine virtuel à travers VirtualBox dans une machine Windows posée sur une table, elle bien réelle. Je simule l'authenticité. Amusant que j'aille la chercher si loin.