noktiane

Des mots qui passent, des histoires qui restent.

Sébastien et Naïma se rencontrent en rêve

[Entre songes et éveil, Sébastien traverse un couloir de brume avant de prononcer un mot qui change tout.]

Bientôt, Sébastien se retrouve dans un couloir de brume lumineuse. Ses pas glissent sans effort et, avec étonnement, il réalise qu’il peut se mouvoir librement. Il n’est plus cloué sur son lit d’hôpital. Le temps semble ralenti, chaque geste flotte légèrement.

Les lits et matériels du service se changent en bancs de nuages. Les lampes scintillent comme des lucioles, et des portes apparaissent et disparaissent, chacune semblant contenir un secret ou une réponse possible. Mais les portes lui sont inutiles : il passe d’une chambre à l’autre sans obstacle. Les murs ne l’arrêtent pas.

Au bout du couloir, une silhouette éthérique se dessine : c’est Naïma. Une autre Naïma, douce et lumineuse.

Une voix murmure : « Que cache celui qui se tait ? »

Elle se déplace avec légèreté, sereine et bienveillante, sans jamais le regarder directement. Sébastien ressent la force douce qui émane de cette présence. Il est curieux, émerveillé.

Un livre s’ouvre devant lui. Les pages s’envolent et deviennent oiseaux colorés. Sur le sol, un mandala lumineux apparaît : il reflète, sans qu’il le sache encore, le tatouage de Virginie. Autour de lui, de petites clefs flottent comme des promesses de réponses.

  • Qu’est-ce que ça veut dire ?

Sébastien se penche sur un miroir. Son reflet se fracture en multiples facettes, en différentes versions de lui-même : enfant, adulte, patient, homme libre. Une émotion douce et troublante le traverse : émerveillement, curiosité, mélancolie.

Puis la lumière s’adoucit et le rêve commence à s’éteindre. Dans son esprit s’imprime un mot, simple mais lourd de sens. Sans qu’il le sache encore, ce mot changera quelque chose quand il le prononcera devant Virginie.

Le jour se lève à peine. Sébastien ouvre les yeux. Il est de retour dans sa chambre. La sensation du rêve persiste encore, vibrante en lui, comme un fil prêt à se tendre.

À ce moment, Naïma entre, calme et mystérieuse. Ses gestes précis et son regard attentif rappellent la silhouette éthérique du rêve. Elle semble encore flotter, et Sébastien la perçoit comme une continuité de ce qu’il vient de vivre.

Virginie est là aussi, discrète mais présente. Le mandala de son tatouage apparaît furtivement et fait aussitôt écho à celui du rêve de Sébastien. Un pont silencieux s’établit entre leurs deux mondes.

C’est alors que Sébastien murmure un mot venu de nulle part.

  • Paris.

Un frisson parcourt la pièce. Virginie le perçoit immédiatement, comme une intuition profonde, une réponse à son dilemme intérieur. Choisir entre sa carrière professionnelle et son profond attachement à sa famille et à son compagnon. Quitter sa province ? Aller en formation à Paris, à l’IFCS de l’Assistance Publique ?

Virginie prend un moment pour digérer le mot et son sens. Son dilemme professionnel reste présent, mais il pèse désormais moins lourd. Sébastien lui en a donné, de manière surnaturelle, la réponse. Et elle n’en avait parlé à personne.

Naïma observe, silencieuse, mais son regard exprime un soutien discret. Non seulement Sébastien a parlé pour la première fois, mais il a prononcé ce mot de manière intelligible.

Le temps semble suspendu. Une paix douce et fragile envahit la chambre, et le lien entre les trois personnages, invisible mais tangible, s’installe.

Sébastien reste tranquille, presque apaisé, comme si une tension intérieure venait de se relâcher. Il vient de s’exprimer, sans même le réaliser encore.

Une conversation subtile s’engage : gestes, regards et paroles légères renforcent les liens sans rien expliciter. Virginie sent un éveil intérieur, une douce prise de conscience sur son avenir. Sébastien, dans son silence, paraît plus conscient, plus présent au monde.

La lumière de la chambre, les sons et les gestes du quotidien deviennent presque surréalistes. Le mandala du tatouage de Virginie, la présence éthérée de Naïma dans l’esprit de Sébastien, tout se relie dans une trame invisible mais tangible.

Enfin, Sébastien se repose, ferme les yeux. Le mot et le lien avec Virginie s’installent. Virginie reste pensante mais sereine, prête à accueillir ses choix futurs. Naïma se met en retrait, conservant son mystère et sa présence protectrice.

⋱⋰ ⋱⋰ ⋱⋰

(◕‿◕)♡ Petit clin d’œil musical :

  1. Sigur Rós – Svefn-g-englar
  2. Ólafur Arnalds – Near Light
  3. Dead Can Dance – The Host of Seraphim

🎧 Écouter la playlist sur YT


#série #Sébastien #sérieSébastien #fiction #Noktiane


● . ◉ Noktiane – Un nouveau texte le jeudi ( ou presque ).

@[email protected] | Flux RSS | Envoyer un email | Thème CSS par Mara Cavanaugh | © Noktiane 2025 CC BY-NC-ND 4.0

Service de nuit de Naïma

[Une nuit de confidences : Peter raconte, Naïma invente un langage.]

Peter est assis dans son fauteuil roulant près de Séb. Après un bref silence il dit :

  • Tu sais, je me rappelle une histoire avec mon petit-fils, Damien. Il a eu son premier vélo cet été. Tout fier, il voulait absolument l’essayer de suite, dans la rue devant la maison. Une pente douce, mais… eh, une pente quand même.

Séb, immobile, fixe Peter, intrigué.

  • Alors voilà mon Damien qui se lance, hilare, à fond dans la descente. Mais… les freins. Trop durs pour ses petites mains. Il voit le panneau tout en bas, et là… il comprend comment ça va finir.

Moi, je le regarde depuis la terrasse, mais sa mère, elle, comprend tout de suite et se met à courir derrière lui. Sauf qu’en courant, elle perd une de ses sandales – tu vois le genre, des petites sandales d’été.

Peter rit doucement.

  • Elle arrive en deuxième position, forcément. Damien a fini sa course juste à côté du panneau, patatras sur le trottoir. Pas de gros bobo, juste deux éraflures et une bonne dose de honte.

Pete s’interrompt, sourit un instant.

  • Ça me fait rire maintenant, mais sur le moment, c’était une scène digne d’un dessin animé.

En revenant vers la chambre 418, Naïma ralentit le pas. La porte est entrouverte, et une voix résonne doucement à l’intérieur. Elle fronce les sourcils : Sébastien est aphasique, et les visites sont terminées. Qui peut bien être là ? Intriguée, elle pousse doucement la porte. Elle trouve Mr Lawson en sa compagnie.

Elle avance doucement pour ne pas perturber la quiétude de la chambre. Ses cheveux courts sont un peu ébouriffés et sa blouse légèrement froissée après son tour de nuit.

Elle salue Peter avec un sourire :

  • Je vois que vous tenez compagnie à Sébastien. C’est cool, mais il est temps que je m’occupe un peu de lui maintenant.

Peter manœuvre son fauteuil et fait un signe à Séb avant de s’éclipser.

  • Bonne nuit, Séb. Je repasserai demain, si tu le veux bien.

Naïma se tient debout près de Séb, à une distance respectueuse.

  • Si tu veux bien, on peut se mettre d’accord sur un moyen de communiquer. Par exemple, pour me dire oui tu clignes des yeux une fois simplement. Si c’est non, tu fermes les yeux une seconde, on va dire. Tu es d’accord ?

Séb cligne des yeux. Apparemment c’est bon.

Pour vérifier que nous nous sommes bien compris :

  • Est-ce qu’il est midi ?

Séb ferme les yeux une seconde pour dire non.

  • On est bien d’accord, plaisante Naïma. Veux-tu que je t’arrange un peu mieux ?

Séb cligne des yeux. Naïma ne le voit pas, mais il sourit dans son cœur. Finalement cette jeune femme n’est pas une Tatie Danielle. Au contraire !

Pendant qu’elle le positionne, ses gestes sont précis, doux et rassurants. Séb ressent pour la première fois depuis longtemps autre chose que la mécanique des soins quotidiens. Il perçoit la douceur d’un toucher qui ne se contente pas d’être efficace, mais qui porte en lui une chaleur inexplicable. Une chaleur qui, sans bruit, vient fissurer l’isolement dans lequel il était enfermé.

Séb découvre son tatouage tandis qu’elle le mobilise. Il est intrigué par ces motifs. Naïma s’en aperçoit et commente avec un sourire :

  • Tu te demandes ce que ça raconte ?

Séb cligne des yeux. Bien sûr qu’il veut savoir.

  • D’accord, je te le dirai, mais pas ce soir. J’ai été un peu lente le temps de m’adapter au service, mais la prochaine fois je serai mieux organisée et je te parlerai de ce tatouage.

  • Je te souhaite un bon repos et de beaux rêves. Je passe régulièrement dans la nuit dans les chambres pour jeter un coup d’œil, voir si tout va bien.

Une fois Naïma partie, Séb est submergé par une vague d’émotions : un mélange de sérénité, de curiosité et de quelque chose d’indéfinissable qu’il n’avait pas ressenti depuis longtemps.

Alors qu’il s’endort, les sensations de ce contact persistent, comme une empreinte invisible sur sa peau. Les motifs du tatouage demeurent derrière ses paupières, emportés dans un éclat lumineux qui doucement le transporte ailleurs, dans un autre temps.

⋱⋰ ⋱⋰ ⋱⋰

(◕‿◕)♡ Petit clin d’œil musical :

  1. London Grammar – Strong
  2. Lisa Gerrard – Now We Are Free
  3. Ludovico Einaudi – Nuvole Bianche

🎧 Écouter la playlist sur YT


#série #Sébastien #sérieSébastien #fiction #Noktiane


● . ◉ Noktiane – Un nouveau texte le jeudi ( ou presque ).

@[email protected] | Flux RSS | Envoyer un email | Thème CSS par Mara Cavanaugh | © Noktiane 2025 CC BY-NC-ND 4.0

Naïma

[Une nuit commence, et avec elle une rencontre : Naïma, infirmière itinérante au tatouage mystérieux.]

Jaja et Cyril se sont occupés de moi et je suis presque prêt pour la nuit.

Une main à peine plus appuyée sur mon épaule, Jaja me souhaite une bonne nuit.

Au pas de la porte de la chambre, Cyril se retourne vers moi et me fait un signe de la main accompagné d’un clin d’œil amical.

Il se dirige vers la chambre suivante…

J’entends l’activité soutenue dans le couloir. Voix interjetées pour demander de l’aide ou à la recherche d’un élément qui manque pour réaliser un soin.

Plus tard le bruit va se transformer en voix basses feutrées et en murmures durant la nuit.

Des bruits de sonnettes par-ci par-là.

Parfois une voix de l’équipe de nuit qui s’échappe plus fort qu’il ne faudrait.

Mais on n’en est pas là.

À présent une chape tombe dans le service qui se met en mode nuit.

L’équipe est arrivée au bout de ses forces pour cette journée.

Tout le monde ou presque est dans la salle de soins. Il y en a qui ont le regard plongé dans leur smartphone. Ils sont déjà un peu ailleurs. D’autres parlent d’événements qui ont marqué la journée, qu’ils soient funs ou tristes.

De temps en temps un regard pointe dans la direction du couloir à travers la vitre de la salle dans l’espoir de voir apparaître le duo de l’équipe de nuit.

C’est Doudou cette nuit. Un aide-soignant baraqué avec un mental solide. Toujours jovial. Il est de toutes les situations et hyper compétent. On peut s’appuyer sur lui.

Et le voilà enfin ! On le reconnaît de loin, dans la lumière tamisée, accompagné de l’IDE de nuit. C’est un soulagement ! Les voilà tous les deux !

Il arrive quelquefois qu’un soignant soit manquant pour la relève. Son homologue de jour doit rester jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée…

Mais ce soir c’est bon. L’équipe de nuit est au complet. À côté de Doudou marche Naïma, la nouvelle infirmière de nuit.

Jaja l’a déjà croisée quand la coordinatrice l’accueillait l’autre jour et lui présentait l’établissement et le service.

Cyril se rappelle que Jaja lui avait parlé d’elle…

  • Bonsoir l’équipe ! dit Doudou. Je vous présente Naïma qui commence cette nuit.

  • Oui, mon prénom est Naïma, enchaîne-t-elle. Je suis ici pour quelques semaines, peut-être plus. J’ai un CDD de deux mois. Je suis disons une infirmière itinérante. Je vis dans un camping-car. C’est un peu court comme présentation mais vous devez être fatigués et si on faisait les transmissions ? C’est juste le premier contact. On apprendra à mieux se connaître en travaillant ensemble, vu que je ferai aussi des horaires de jour.

Naïma fait déjà impression.

C’est une jeune femme qui n’est pas spécialement belle mais il émane d’elle de l’assurance, de la douceur et de la fermeté à la fois dans sa manière d’être. Ses cheveux sont courts, noirs et un peu en désordre.

Sur son bras gauche, un tatouage s’étend de son épaule jusqu’à son poignet, mêlant des éléments célestes et terrestres. Il n’est pas courant comparé aux thèmes les plus représentatifs.

À la base, près de son poignet, un arbre de vie aux racines puissantes, presque nerveuses, qui semblent s’enfoncer dans une terre invisible. Le tronc est fin et solide, s’élançant vers le haut.

À mi-hauteur, les branches de l’arbre se déploient. Au lieu de feuilles, ce sont des constellations qui brillent dans un ciel nocturne stylisé. Des étoiles lumineuses, reliées par de fines lignes d’encre blanche ou dorée, dessinent des formes reconnaissables comme la Grande Ourse ou Orion, mais aussi des constellations inconnues sauf de Naïma.

Ce tatouage semble raconter une histoire, celle d’un être profondément enraciné, mais toujours tourné vers les étoiles, en quête d’ailleurs. Il incarne l’équilibre entre stabilité et exploration. Le symbole de la personnalité de Naïma.

L’équipe de jour, qui était prête à détaler pour regagner ses pénates, reste un moment intriguée. Pour l’une la gêne, pour l’autre le charme, le sentiment de quelque chose d’autre.

  • C’est de l’art ton tatou ! dit Virginie. Vraiment réussi !

En effet, Virginie est sensible à cela. Elle a un magnifique mandala coloré tatoué à son épaule, mais il n’est visible que si elle tire un peu sur la manche courte de sa tunique. Elle aimerait bien être copine avec elle.

Les transmissions se déroulent chambre par chambre. Les problèmes rencontrés dans la journée avec tel ou telle. Tous n’ont pas de surveillance particulière.

  • Chambre 418. C’est un jeune tétra de dix-huit ans, victime d’un AVP, blessé médullaire avec trauma crânien et coma consécutif. Il est dépendant pour les AVQ, aphasique mais il comprend ce qu’on lui dit. Il est alimenté par voie orale en mixé lisse et eau gélifiée.

Le traumatisme est assez récent donc on peut espérer de petites améliorations.

Sur le plan psychologique, il est triste et déprimé. C’est un peu notre chouchou du service.

En journée il reçoit quelques visites : sa mère, des potes. Mais comme la communication est difficile et émotionnellement pénible, elles ont tendance à s’espacer.

  • Voilà, dit Virginie. On a fait le tour du service. On te souhaite bon courage pour cette première nuit.

  • Et bien merci pour votre accueil, répond Naïma. On va commencer par faire le tour des chambres pour les médocs de nuit. Hein, Doudou ?

  • Et oui, il va falloir commencer. Allez go ! dit Doudou.

(Certains êtres ne font que passer, mais leur lumière change à jamais ceux qu’ils croisent.)

⋱⋰ ⋱⋰ ⋱⋰

(◕‿◕)♡ Petit clin d’œil musical :

  1. Within Temptation – All I Need
  2. Archive – Again
  3. Porcupine Tree – Lazarus

🎧 Écouter sur YT


#série #Sébastien #sérieSébastien #fiction #Noktiane


● . ◉ Noktiane – Un nouveau texte le jeudi ( ou presque ).

@[email protected] | Flux RSS | Envoyer un email | Thème CSS par Mara Cavanaugh | © Noktiane 2025 CC BY-NC-ND 4.0

En kiné

[Un premier repas partagé, entre regards, maladresses et rencontres inattendues.]

La salle est grande. Cyril m’a emmené sur le fauteuil roulant et il m’a confié à Valérie.

Elle m’a accueilli avec son sourire rayonnant.

  • Ah voilà Séb !

La journée a été pénible et je suis triste. Toujours les mêmes répétitions.

Sarah était de repos aujourd’hui.

Ma daronne est venue me rendre visite. Elle a les yeux cernés. Elle a dû pleurer. Est-ce à cause de moi ?

Aujourd’hui on a essayé un nouveau truc.

On m’a amené à la salle à manger pour la première fois. Moi qui pensais qu’il n’y avait que des vieux, j’ai été surpris.

J’ai un fauteuil totalement sur mesure qui me cale de tous les côtés avec même un appui-tête. Il est assez grand, un peu l’ampleur d’un transat.

L’équipe soignante m’a choisi une table qui me sera assignée. On n’y est que trois car je prends pas mal de place.

C’est Jaja, une aide-soignante, qui va me donner la becquée. C’est un moment intense pour les soignants : beaucoup à faire en un temps limité quand même.

Mais Jaja, elle prend le temps.

Bien sûr, j’ai un peu la honte. D’habitude on me fait manger dans la chambre et là c’est devant tous les autres estropiés de la vie. Mais je suis vite rassuré. Mes deux compagnons de table, eux, peuvent parler et franchement ça me distrait. Parlent de choses et d’autres, comme des discussions de comptoir. Ils racontent des blagues et me font des petits clins d’œil amicaux. Jaja est un peu mon ambassadrice. Elle est mon soutien.

  • Bonjour messieurs ! Je vous présente Sébastien. Séb pour les amis (sourire et petit clin d’œil vers moi). Il a eu un accident de la route. Actuellement il est paralysé des quatre membres et ne peut pas parler. Mais il comprend bien ce que vous dites.

Puis Jaja se tourne vers moi :

  • Séb, je te présente Monsieur Duterrier Frédéric.

  • On m’appelle Fred (sourire).

  • Et Séb, voici Monsieur Lawson Peter, qui a choisi de vivre dans notre belle région.

  • Et bien moi, dit Frédéric, j’ai eu un AVC. Comme tu vois, mon bras gauche ne fonctionne plus mais j’ai récupéré l’usage de ma jambe gauche. Ça n’a pas été aussitôt mais il faut beaucoup de patience… hélas.

  • Moi j’ai un genou tout neuf en titane à droite, dit Peter en parfait français avec son accent d’outre-manche. Je l’avais tellement usé en restaurant la vieille maison que j’ai achetée ici que je ne pouvais plus marcher sans… souffrir le martyre, comme vous dites en France.

Les présentations étaient faites. Fred et Peter m’ont raconté la raison de leur présence ici.

La conversation s’en est suivie entre Fred, Peter et notre combo Jaja/Séb. Des rigolades, des clins d’œil.

Le moment repas s’est bien passé. Et vivement demain midi !

Demain je n’aurai pas le stress de la première fois.

Jaja me raccompagne dans ma chambre et, avec Cyril, m’installe pour une sieste après m’avoir fait les soins.

  • Ce soir, tu vas voir, il y a une nouvelle infirmière de nuit que tu ne connais pas, dit Jaja.

  • Et alors ?

  • Quand tu vas la voir, tu vas être surpris.

  • Ah bon ? (petit air malicieux).

  • Ne fais pas ton numéro de charmeur, petit coquin, hein ! À toi de te faire ton idée mais tu verras, elle est un peu spéciale…

Eux, ils discutent et ne font pas attention à moi pendant ce temps. Je suis intrigué et me demande si c’est une bonne ou une mauvaise nouvelle pour moi. Ouais, la question est : sympa ou Tatie Danielle ? Détrônera-t-elle Sarah, qui pour moi est… Sarah ?

J’espère juste qu’elle n’aura pas un air faussement compatissant comme on peut voir trop souvent.

Je sens que je vais y penser jusqu’à ce soir. Ça va tourner dans ma tête. J’en saurai plus d’ici là. Mes oreilles en mode radar guettent le moindre indice.

⋱⋰ ⋱⋰ ⋱⋰

(◕‿◕)♡ Petit clin d’œil musical :

  1. Keane – Everybody’s Changing
  2. Stereophonics – Maybe Tomorrow
  3. Muse – Starlight

🎧 Écouter sur YT


#série #Sébastien #sérieSébastien #fiction #Noktiane


● . ◉ Noktiane – Un nouveau texte le jeudi ( ou presque ).

@[email protected] | Flux RSS | Envoyer un email | Thème CSS par Mara Cavanaugh | © Noktiane 2025 CC BY-NC-ND 4.0

Je suis Valérie

[Deuxième jour, nouvelle rencontre : Valérie, entre rigueur et chaleur humaine.]

Tout le monde est super avec moi.

Mais évidemment j’aurais aimé être ailleurs. J’ai dix-huit ans bordel. Je devrais être avec des potes, faire un petit game ou je sais pas moi, voyager.

La Thaïlande je rêverais d’y passer plusieurs mois.

Les femmes sont superbes là-bas, de sacrés p’tits lots comme dirait mon grand-père Pierro. Enfin bref…

La matinée est bien avancée et je n’ai encore rien fait. Toute l’équipe soignante s’est occupée de moi de A à Z.

C’est tellement humiliant de ne pouvoir rien faire de moi-même.

Avant, j’avais un corps affûté…un corps de rêve haha !

J’ai grossi. Je ne bouge plus. Ce que je mange n’a pas de goût ni d’odeur. C’est tout mixé avec aussi des médocs pilés ou liquides mélangés dedans.

Parfois je suis anéanti. Est-ce que je vais récupérer ? Mon état va peut-être empirer ?

J’aurais préféré mourir que d’être comme ça. Et pour combien de temps ?

Mais heureusement il y a Sarah, et puis Cyril et quelques autres.

Tiens, dans quelques minutes on va m’emmener en kiné.

Là-bas c’est Valérie qui s’occupe de moi. Elle est un peu plus âgée que Sarah. Elle est vive souriante et a une de ces pêches !

Son visage, son attitude, ne sont que bienveillance et fermeté aussi. Elle est très pro. Elle me fait penser à ma grande sœur Cécile.

Elle me communique de l’espoir et j’ai envie de me battre pour ne pas la décevoir.

⋱⋰ ⋱⋰ ⋱⋰

(◕‿◕)♡ Petit clin d’œil musical :

  1. Agnes Obel – Riverside
  2. London Grammar – Hey Now
  3. Woodkid – Run Boy Run

🎧 Écouter la playlist sur YT


#série #Sébastien #sérieSébastien #fiction #Noktiane


● . ◉ Noktiane – Un nouveau texte le jeudi ( ou presque ).

@[email protected] | Flux RSS | Envoyer un email | Thème CSS par Mara Cavanaugh | © Noktiane 2025 CC BY-NC-ND 4.0

Saaalut Séb

[Premier matin, première page : la voix de Sarah et la lumière ouvrent le monde de Séb.]

C’est vrai que j’aime la musique ! Je suis jeune mais je suis mal portant.

Il m’est arrivé quelque chose de pas cool. J’ai eu un accident. J’étais sur mon scooter à faire des embardées et de la roue arrière. J’ai pas capté assez tôt ces petits graviers de merde dans le virage et hop !

Ma tête a frappé la route ou un caillou. Je ne me souviens pas.

Je me suis retrouvé à l’hôpital.

Je ne peux plus parler, même pas avoir une expression du visage.

Je reste figé. Je ne peux pas bouger. Depuis combien de temps ça dure ? Je ne sais pas.

C’est le matin. J’entends que ça bouge dans les couloirs, des voix, des éclats de rire. C’est l’équipe du matin.

Ça va s’animer un peu. On va s’occuper de moi. J’espère que Sarah est là. Elle est cool avec moi. Les autres aussi sont sympas mais elle je la kiffe.

Le matin, c’est un vent de fraîcheur.

Je l’entends qui se rapproche. Elle parle dans la chambre à côté. C’est comme un chant d’oiseau du matin et le soleil se lève.

Ça y est la porte s’ouvre.

Saalut Séb ! Elle se dirige vers la porte vitrée, ouvre les rideaux et bing la lumière du jour. Et re-bing la plus belle des filles !

Sarah entrouvre la porte vitrée et ça caille un peu. Il n’y pas d’étage ici.

Je ne sais pas pourquoi elle fait ça mais c’est un rituel.

En passant devant le pied du lit, elle n’a pas pointé du doigt ma méga érection du matin. Elle en a vu d’autres.

Séb, tu préfères la télé ou la zic ? Je vais t’installer pour le petit déj.

Cyril tu peux venir m’aider ?

Cyril entre souriant. Je l’aime bien aussi. C’est Musclor mais tout en douceur. Il a toujours une petite vanne gentille , un petit clin d’œil.

À eux deux ils ont la technique pour me positionner pour le petit déj. L’adaptable est positionné devant moi

À tout de suite Séb pour le p’tit déj et les médocs. Sourire et clin d’œil de Sarah.

⋱⋰ ⋱⋰ ⋱⋰

(◕‿◕)♡ Petit clin d’œil musical :

  1. London Grammar – Strong
  2. Porcupine Tree – Lazarus
  3. Radiohead – Street Spirit (Fade Out)

🎧 Écouter la playlist sur YT


#série #Sébastien #sérieSébastien #fiction #Noktiane


● . ◉ Noktiane – Un nouveau texte le jeudi ( ou presque ).

@[email protected] | Flux RSS | Envoyer un email | Thème CSS par Mara Cavanaugh | © Noktiane 2025 CC BY-NC-ND 4.0

Les mots de la fin

( C’est un de ces textes que j’avais mis de côté, puis oublié. En le relisant, j’ai eu l’impression de retrouver une part de moi-même, un peu fragile, un peu rêveuse. )

Sous ses pieds, les pavés de la petite rue le font tantôt légèrement trébucher, tantôt rebondir tendrement. Il est là, dans la rue, au milieu des autres, mais son esprit danse ailleurs. Les mots l’entourent, espiègles, bavards, jamais fatigués.

Eux ne voient qu’un vieil homme barbu, aux longs cheveux blancs et au regard bleu perçant. Personne ne semble le voir. Personne ne le calcule, ni ne songe à lui prêter attention. Mais lui, il se parle à lui-même, et il leur parle aussi, en silence.

Ils ne maîtrisent pas complètement leur langage corporel : leur mise vestimentaire, leur coiffure, leur démarche, leurs tatouages… Mais lui, il préfère les mots.

Il ne se paie pas de mots, non. Il les paie d’attention. Il les goûte, les fait rouler sous sa langue, mentalement. Avoir le dernier mot ? Pourquoi pas le premier, ou celui d’après ? Il sourit.

Le monde autour de lui, les passants, les vitrines, tout cela n’est qu’un décor en mouvement, une toile qui se déploie sans jamais vraiment exister.

Les mots, eux, sont bien réels. Ils ont du poids, de la texture, parfois même un parfum. Il les connaît depuis toujours, et eux le connaissent mieux encore.

Un enfant passe en courant. Courir après les mots ? Ils sont trop rapides.

Une affiche criarde : Trop de mots pour ne rien dire. Un passant l’effleure sans le voir. Lui aussi est un mot. Un mot oublié ?

Il continue. Il n’a pas froid, il n’a pas chaud. Il flotte un peu. Ses pieds avancent d’eux-mêmes. A-t-il trébuché ? Qu’importe.

Tout devient plus doux, plus léger. Les mots chuchotent autour de lui, comme une brise dans les feuillages. Ils l’enveloppent, l’accompagnent.

Plus de poids, plus de course. Juste ce glissement naturel, cette caresse du silence.

Il ferme les yeux. Et les mots, tendrement, l’emportent..


#mots #fiction #noktiane


● . ◉ Noktiane – Un nouveau texte le jeudi ( ou presque ).

@[email protected] | Flux RSS | Envoyer un email | Thème CSS par Mara Cavanaugh | © Noktiane 2025 CC BY-NC-ND 4.0

Quel prix

À quel prix ?

C’est le matin pour lui. Il se sent pauvre, vide, prisonnier.

Pourtant, il vit dans un appartement luxueux de l’ouest parisien. Tout y est high-tech, domotisé. Les volets s’ouvrent d’eux-mêmes. L’écran plat s’allume et diffuse les nouvelles.

Une voix masculine, suave, l’accueille depuis le salon aux dimensions généreuses. Pas celle d’un ami. Celle d’un employé – un adonis à la peau brune, impeccable, payé pour sourire. Il prépare le café, dresse les toasts, et lui souhaite le bonjour avec chaleur. Une chaleur parfaitement calibrée, qui n’appartient pas à la sincérité.

Lui, pourtant, n’y voit qu’un brouillard.

La veille encore : des cocktails, des alcools, des substances qu’il vaut mieux taire. Une foule, des musiques tantôt trance, tantôt lascives. La débauche. Des mannequins, des playboys. Et puis ceux qu’il déteste, mais devant lesquels il s’incline, parce qu’il n’a pas le choix.

Aujourd’hui recommence la comédie. Des paroles trompeuses à déclamer avec foi. Un discours ciselé par d’autres, vide, soporifique. Chaque mot un mensonge, chaque phrase un goût amer. Alors, pour tenir, il se gave d’expédients. Sinon, il ne supporterait pas de réciter ces conneries.

Mais il y a longtemps, il a fait un choix. Un pacte irrémédiable. Et il se souvient de ces mots : « Que donnerait un homme en échange de son âme… »

Il a des maîtres.

Il sait qu’il est perdu. Même avec ses comptes offshores saturés, ses villas dispersées aux quatre coins du monde. Il a sous-estimé le prix à payer.

Aujourd’hui, il n’est plus propriétaire de rien, pas même de lui-même.


● . ◉ Noktiane – Un nouveau texte le jeudi ( ou presque ).

@[email protected] | Flux RSS | Envoyer un email | Thème CSS par Mara Cavanaugh | © Noktiane 2025 CC BY-NC-ND 4.0

La tente Orange

Ils avaient mûrement réfléchi avant de mettre leur plan à exécution.

Leur problème ? La vieillesse.

D'abord, acheter une tente assez grande pour deux. Ils la voulaient voyante, facilement repérable. Pas de vert ni de camouflage. Lui en a trouvé une orange. Sa couleur préférée, en prime.

Ensuite, deux bons sacs de couchage capables de résister aux températures hivernales. Puis des matelas. Trouver l'idéal n'était pas simple, surtout avec leurs vieux dos douloureux.

Enfin, les sacs à dos. De quoi tout porter, avec le reste des accessoires. Ça commençait à peser lourd.

La destination ? Un coin de nature sauvage, quelque part en France. Plutôt dans la moitié sud. Peut-être bien le Nontronais.

Mars pointe son nez.

Bientôt, il sera temps de partir.

Lui veut passer l’été là-bas.

Les gens du coin s’habitueraient à ces deux campeurs insolites. Parfois, on les croiserait à la petite supérette du bourg.

L’été s’étire doucement, réchauffant leurs vieux os. Peu à peu, ils se font plus rares au village. Puis, ils disparaissent.

Pendant ces mois passés dans la nature, ils ont jeûné, perdu du poids. Avec leurs vêtements flottants, personne ne s’en est aperçu.

Un jour, ils ont cessé d’aller à la supérette. On les a un peu oubliés.

Puis vient la saison de la chasse.

Deux hommes du coin, fusils en bandoulière, repèrent une tache orange à quelques centaines de mètres.

— Ce serait pas la tente des deux petits vieux qu’on a vus cet été ?

— Tu crois qu’ils sont partis en laissant tout ça ?

— On va voir de plus près ?

Les chasseurs s’approchent, prudents.

— Ohé ? Il y a quelqu’un ? Vous savez que la chasse a repris ? Camper ici, c’est risqué maintenant !

Silence.

— On regarde à l’intérieur ?

— Ouais, vaut mieux. Soit ils ont laissé leur matériel, soit…

D’un geste lent, ils font glisser la fermeture éclair.

Là, dans le silence, deux corps immobiles, emmitouflés dans leurs sacs de couchage.

Ils ne dorment pas.

Au centre de la tente, une boîte en plastique transparente. À l’intérieur, un vieux téléphone à clapet et une lettre.

— Oh là, Adrien, touche à rien. Faut appeler les gendarmes.

Le cœur serré, les deux hommes comprennent. C’étaient eux, les petits vieux.

Adrien compose le numéro, la voix tremblante.

— On a trouvé… deux personnes décédées.

Les gendarmes arrivent vite. Ils prennent des photos, interrogent les chasseurs, examinent la boîte en plastique.

À l’intérieur, une lettre manuscrite.

L’officier la lit à voix basse. Tout s’éclaire.

Ils voulaient partir ainsi. Dans la nature, à l’abri des regards. Ils avaient cessé de s’alimenter, laissant leur corps s’éteindre doucement.

Ils ne voulaient pas finir dans un lit d’hôpital, dans une maison de retraite.

Comme ce vieux couple dans Titanic, allongé l’un contre l’autre, attendant la fin sans panique, dans un calme presque surnaturel.

Dans leur lettre, ils demandent pardon.

À ceux qui les ont découverts.

À leurs enfants.

Mais c’était mieux ainsi, écrivent-ils. Mieux que la déchéance.

Partir sans violence.

À leurs poignets, un bracelet en plastique blanc, comme ceux des hôpitaux.

Un prénom.

Un numéro de téléphone.

Inscrit à l’encre indélébile.

⋱⋰ ⋱⋰ ⋱⋰

(◕‿◕)♡ Petit clin d’œil musical : Porcupine Tree – Lazarus


#nature #tente #fiction #Noktiane


● . ◉ Noktiane – Un nouveau texte le jeudi ( ou presque ).

@[email protected] | Flux RSS | Envoyer un email | Thème CSS par Mara Cavanaugh | © Noktiane 2025 CC BY-NC-ND 4.0

La cabane et la brume

C’était sur le GR du tour du Velay.

La forêt se refermait doucement sur nous, ce soir-là.

La lumière déclinait, et la fatigue se faisait sentir. Nos pas cherchaient un refuge plus qu’un chemin, et soudain, la cabane apparut. Petite, poussiéreuse, mais ouverte. Providence en bois.

À l’intérieur, l’odeur du temps endormi, les murs grisâtres, et juste assez d’espace pour nos couchages. La nuit serait sèche, et cela suffisait à la rendre belle. Nous avons ri de cette trouvaille, comme des enfants devant un secret bien gardé.

Au matin, le rituel du réchaud, l’eau qui bout dans la petite casserole cabossée. Puis la porte qui grince, et le pas dehors.

Et là… la forêt se dévoile sous un voile de brume. Les troncs, les feuilles, la lumière irisée : tout flottait, suspendu, irréel. Un instant fragile, comme si nous marchions encore dans un rêve.

Un nom s’est imposé à moi : Brocéliande. Comme si la forêt s’était métamorphosée, offrant son visage le plus mystérieux.

Nous avons repris la route, mais depuis ce matin-là, nous portons toujours en nous la cabane, la brume, et la douce surprise d’un monde qui se laisse découvrir au détour d’un hasard.


● . ◉ Noktiane – Un nouveau texte le jeudi ( ou presque ).

@[email protected] | Flux RSS | Envoyer un email | Thème CSS par Mara Cavanaugh | © Noktiane 2025 CC BY-NC-ND 4.0